Simon Liberati, Jayne Mansfield 1967, Grasset, août 2011, et Livre de Poche, octobre 2012.
La presse était unanime, lors de la rentrée littéraire de 2011, pour saluer le dernier livre que Simon Liberati faisait paraître chez Grasset. Les jurées du Femina l'ont couronné. Influence américaine, référence à Truman Capote... On a salué immédiatement les soixante premières pages, cette description minutieuse et détachée de l’accident.
La movie star au QI de 163, la bimbo camée et amoureuse, nymphomane et mère de famille, dingue de ses chiens, Simon Liberati la met en scène. Et replace sa trajectoire dans la perspective glamour et terrifiante d’un monde hollywoodien en mutation.
Jayne Mansfield est un personnage. Sa vie – ce qu’elle a fait de sa vie – est au-delà d’un scénario convenu. Le livre nous conte la déchéance des derniers mois qui précèdent l’accident, et ce « conte » est fascinant. On pénètre dans la demeure hitchcockienne d’un prêtre sataniste, propriétaire d’un lion nommé Tagore. On assiste à la descente aux enfers de l’avocat d’un des acteurs de l’assassinat de Kennedy. On visite un Palais Rose de faux conte de fées dans lequel les peluches sont aussi nombreuses que les perruques.
On feuillette les cahiers rescapés – mais recyclés – dans lesquels Jayne collait tout ce que les journaux rapportaient de sa vie. Jayne est un personnage, tous sont des personnages, l’enfant défiguré par une morsure, les coiffeurs de la star, les chauffeurs de camion, le propriétaire grec du club dans lequel Jayne Mansfield se produit la veille de l’accident… Simon Liberati plonge au cœur de ce vivier réel, en remonte des situations, des trognes, des décors. Un monde.
Jayne Mansfield 1967 est un roman, un vrai et bon roman, à la diégèse et à la structure pensées, à l’écriture précise. En vrai et bon romancier, Liberati puise ce qui sert son texte dans la masse des informations dont il dispose, choisit parfois l’allusion et le clin d’œil (par exemple, la citation « d’un écrivain français », qui renvoie à Bataille sans qu’il soit nommé). A partir d’un matériau véridique, il construit une histoire. Une histoire qui boucle sur elle-même, qui s’ouvre sur la fin et se clôt sur l’avant-fin, une avant-fin qui nous est décrite comme une scène de cinéma muet :
« Puis, remontant à l’avant, elle claqua la portière dans le silence qui séparait la vitre du restaurant du monde extérieur. Ce claquement silencieux est le dernier geste connu de Jayne Mansfield ».