mardi 27 septembre 2016

L’Effroi de François Garde

François Garde, L’Effroi, éd. Gallimard, 3 octobre 2016, 304 pages.


Palais Garnier, un soir de printemps. On y donne Così fan tutte. Louis Craon, le célèbre maestro, dirige l’orchestre de l’Opéra de Paris. La représentation est diffusée en direct à la télévision. Et voilà que Louis Craon, avant d’attaquer l’ouverture, lève son bras droit face à la scène et crie « Heil Hitler ». Stupeur. Tout le monde est tétanisé. Dans la fosse, au bout de quatre longues secondes, un homme se lève, tourne le dos au chef d’orchestre, renverse son alto sous son aisselle comme un soldat mettrait crosse en l’air. Les autres membres de l’orchestre se lèvent à leur tour, puis tous les spectateurs. Le chef s’éclipse, le premier violon prend la baguette. On joue vaille que vaille jusqu’à l’entracte, puis on change le programme, Mahler et Beethoven sont convoqués en deuxième partie de spectacle, pour signifier l’indignation, pour souligner que sur la terre tous les hommes sont des frères.

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Surprise 18 – Les Secrets des mentalistes de Pascal Le Guern et Tibor

Pascal Le Guern et Tibor le mentaliste, Les Secrets des mentalistes, éd. Mazarine, 3 octobre 2016, 320 pages.

Je ne révèle ici aucun secret : ce qui m’occupe, c’est la fiction. Autant dire, la torsion de la réalité brute. Je l’avoue : mon film préféré est Le Prestige de Christopher Nolan, l’histoire de deux illusionnistes, l’adaptation d’un roman de Christopher Priest. La magie, l’illusion, ça a à voir avec la fiction. Les numéros de grande illusion – femmes tranchées en deux et tigres apparaissant à la place de colombes – ont peu à peu été supplantés par les numéros de mentalistes. Encore que… Les enfants des années 60 se souviennent peut-être de Myr et Myroska, que l’on regardait, ébahis, devant des écrans de télévision en noir et blanc. Le mentalisme n’est pas né d’hier, et il tient aussi du spectacle d’illusion. On y tord moins le réel physique, on y secoue les certitudes psychiques.

Deux ou trois tours de cartes – basiques, sans empalmage, appris dans l’enfance et jamais oubliés – amusent et « scotchent » chaque année mes étudiants, lorsque je les effectue à la fin de mon cours sur l’histoire des cartes à jouer. Quelques morceaux de carton, illustrés de figures dont la signification s’est perdue – Ogier, Argine, Pallas… – parviennent à ébahir une classe de jeunes gens d’une vingtaine d’années, que l’on considère comme revenus de tout. Les « trucs » des tours de cartes sont mathématiques, mais emballés dans une petite scénographie, ils font toujours leur effet. L’ère digitale n’a rien changé à l’émerveillement.

Dans Les Secrets des mentalistes, Pascal Le Guern et Tibor dévoilent, entre autres, quelques tours de cartes. Mais, si ces tours sont toujours basés, majoritairement, sur la magie des nombres, ils sont aussi tournés vers les réflexes psychologiques et culturels. Les jeux sont parfois truqués – dans un jeu de 52 cartes on trouvera 20 dames de cœur, par exemple – mais ce truc dévoilé n’est en rien une profanation. C’est plutôt une espèce de célébration. Célébration non du trucage, mais du génie de la mise en scène. Et du génie de la persuasion. La grande illusion est basée sur la machinerie, on le sait, ce qui ne nous empêche nullement de nous émerveiller. Le mentalisme est basé sur le bagou et l’entourloupe. Un homme seul – avec un complice, parfois – parvient à persuader un public qu’il est doté de pouvoirs paranormaux, tels que la télépathie, la précognition, la télékinésie. Le mentaliste, homme de spectacle, fait la nique à tous les médiums et autres charlatans. Le mentaliste fait un numéro, et les spectateurs savent qu’ils assistent à un numéro. Ils ont payé leur place, on ne leur a pas extorqué d’argent.

Ce qui n’empêche nullement le « saisissement ». Car un numéro de mentaliste se doit d’être saisissant. Les « oh » et les « ah » du public saluent tout autant la performance que l’incompréhension. La « magie », dans ce cas, réside dans le savoir-faire et le bien faire. On ne prend pas le public pour une dupe, on l’associe d’ailleurs généralement au numéro, et dans les cas les plus réussis, les plus intéressants et les plus empathiques, on arrive à faire croire au spectateur choisi au hasard dans la salle que c’est lui qui a réussi à « deviner », à « trouver », quand on s’est ingénié – au sens d’ingénierie mentale – à faire qu’il devine et découvre. Le mentalisme est une entourloupe sympathique. De la magie humaine, qui joue « avec » le public, et jamais « contre ».

Certains tours sont époustouflants. On y croit, on veut y croire. Je le redis : cela a à voir avec la fiction en littérature. Un tour raconte une histoire, part de prémisses évidentes pour fuir vers d’autres sphères, incompréhensibles, mais explicables. Le mentalisme, c’est le monde du secret. Et l’on pourrait penser que, le secret révélé, le monde s’écroule.

Il n’en est rien. Dans Les Secrets des mentalistes, Le Guern et Tibor expliquent comment faire tourner une table, comme deviner un produit parmi une liste de course, comment tordre une clé ou une pièce de monnaie. Comment laisser à penser que l’on peut faire tourner les tables, deviner que c’est le Perrier qui a été choisi dans la liste du supermarché, influer sur la matière. Le truc dévoilé, on n’en est que plus conquis ! C’était si simple ! La magie réside aussi dans le dévoilement des trucs. Qui ne sont pas des trucages nécessitant des mises en place pharaoniques, mais de petites arnaques d’évidence, qui nous laissent bouche bée lorsqu’on nous les explique.


Dans Les Secrets des mentalistes, des magiciens parlent de leur art et de leur rapport au public. Des vidéos de démonstration sont accessibles dans le livre par QR Codes : on assiste au « tour » sur sa tablette ou son smartphone, puis on en lit dans l’ouvrage l’explication. Dans ces vidéos, une lampe, toujours la même, en forme de livre que l’on déploie – j’aimerais bien avoir la même, que l’on me dise où l’on peut se la procurer ! – est le témoin du spectateur et le complice du « magicien ». Je persiste et signe : la magie de la manipulation et la magie de la fiction en littérature sont une seule et même chose. Une façon de tordre le réel. Dévoiler les trucs des mentalistes, ou décortiquer les textes fictionnaires, n’enlève rien au plaisir. Au contraire. Cela rajoute à. Dévoiler, expliquer, c’est ajouter un degré de plus à la magie.

mardi 20 septembre 2016

Deux nouvelles italiennes de Christine Balbo

Christine Balbo, Deux nouvelles italiennes, éd. Rhubarbe, septembre 2016.

Sous mon nom d'écrivain (Christine Balbo), je publie ce mois-ci, aux éditions Rhubarbe, un recueil intitulé Deux nouvelles italiennes.



Présentation de l'éditeur :

L’une chante, l’autre peint. Celle-ci est en villégiature avec sa marraine autour du Lac Majeur et sur les îles Borromées. Celle-là partage une glace en terrasse à Sienne avec une petite fille qui porte le même prénom qu’elle. Toutes deux sont saisies dans une étrange vacance, un suspens de leur existence où, sans qu’il y paraisse, tout se joue.

A commander sur le site de l'éditeur ou chez votre libraire préféré.



Rentrée littéraire août-septembre 2016

Picasso, Femme couchée avec un livre

  

Etat des lieux de mes articles (en mouvement à peu près perpétuel jusqu'à fin septembre), à lire sur La Règle du JeuEncres Vagabondes, ou ce blog. 

Le lien sera actif dès que l'article sera en ligne

Babylone de Yasmina Reza


Yasmina Reza, Babylone, éd. Flammarion, 31 août 2016.

La narratrice se prénomme Elisabeth, elle travaille à Pasteur au département des brevets, son époux Pierre est prof de maths, leur fils Emmanuel évolue dans le monde du digital. Voilà une situation très actuelle, ancrée dans une réalité avérée, celle du monde d’aujourd’hui. Une assise romanesque mettant en scène une classe aisée sans plus, cultivée et fatiguée, qui se souvient de son passé et envisage l’avenir comme une large plage de calme, loin du renoncement, mais loin également de la folie. Elisabeth, sans trop savoir pourquoi, décide d’inviter quelques amis pour une soirée. Parmi les invités : Jean-Lino et Lydie, les voisins du dessus.