jeudi 24 septembre 2020

Les Métamorphoses de Camille Brunel

 Camille Brunel, Les Métamorphoses, éd. Alma, août 2020, 208 pages.

 

Il existe plusieurs manières de défendre ses idées, et l’une des plus élégantes, et sans doute des plus efficaces, est d’en passer par la mise en fiction. Camille Brunel est antispéciste et militant végane, l’animalisme est un de ses combats. Dans Les Métamorphoses, il imagine que sur la planète se répand un virus qui transforme les humains en animaux. Et parmi les humains, surtout les hommes, d’ailleurs. L’héroïne est une jeune femme militante que l’on découvre en début d’ouvrage au sein de sa famille, pour un repas de baptême. La jeune femme se prénomme Isis, elle est venue à la cérémonie et au banquet en couple, ou tout comme. Celle qui l’accompagne est Dinah, sa chatte, qu’elle nourrit depuis toujours de croquettes véganes et à qui elle a enseigné à ne pas chasser. Pour Isis, Dinah, c’est quelqu’un. 



jeudi 17 septembre 2020

Yoga d’Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère, Yoga, éd. P.O.L, août 2020, 400 pages.


Voilà un livre – un roman ? un moment d’autobiographie ? une autofiction non agressive ? – qui débute comme un reportage en immersion durant un stage de méditation. Cent-vingt personnes, hommes et femmes en nombre égal, mais séparés physiquement et chromatiquement (les hommes se voient attribuer des couvertures bleues alors que les celles des femmes sont blanches) tout au long du séjour, sauf pour les séances de méditation. On pourrait dire que Carrère adopte, dans les débuts de Yoga, un point de vue ironique, il regarde son voisin de tapis comme la réincarnation d’un de ses professeurs d’enfance, il est tout en distance par rapport à son sujet, qu’il maîtrise. Le yoga et la méditation, Carrère les pratique depuis des années, il sait et explique clairement comment on doit parvenir à faire deux choses en même temps, tendre vers le haut et trouver une assise qui permettra de s’ancrer vers le bas, par exemple. Il est là pour dix jours, il a signé pour dix jours de silence. La première intention d’Emmanuel Carrère semble bien de composer « un petit livre souriant et subtil » sur la pratique de la méditation. Mais… 

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lundi 7 septembre 2020

Chavirer de Lola Lafon

Lola Lafon, Chavirer, éd. Actes Sud, août 2020, 352 pages.


Entrer dans les coulisses, c’est ce à quoi nous invite Lola Lafon dans Chavirer. Des coulisses multiples, celles des cours de danse, des plateaux de télévision et des cabarets, mais également celle des familles, des collèges, et des hôtels particuliers où se terrent les loups. Il y a un âge de « chavirement » chez les filles qui se situe entre douze et quatorze ans, quelque part entre l’apparition d’une raison raisonnante et la puberté, qui excite et attire les prédateurs. Le récent ouvrage de Vanessa Springora mettait parfaitement en lumière cet âge-là, de basculement. L’héroïne principale de Chavirer est ainsi définie : « Cléo, treize ans, quatre mois et onze jours ». Cléo apprend la danse, dans un cours de modern jazz dispensé dans une MJC de banlieue parisienne. Cléo aime danser, elle est douée, veut « passer pro », ne ménage pas ses muscles de pré-adolescente. Cléo deviendra danseuse, portera des carcans de lourdes plumes qui lui meurtriront le corps autant que les extensions ou les arabesques. Cléo vivra dans une perpétuelle odeur de menthe camphrée, pieds déformés, muscles trop saillants. Cléo est et sera une danseuse. Chavirer est un des premiers grands romans sur la danse, et sur ce que subit le corps lorsque l’on danse.