Jean Cassou, Trente-trois
sonnets composés au secret,
éd. Folio, coll. Folioplus classiques, 8 septembre 2016, 192 pages.
Ces trente-trois sonnets
furent composés entre décembre 1941 et février 1942, alors que Jean Cassou était
emprisonné à Toulouse pour acte de résistance. Ils furent publiés dans la
clandestinité sous le pseudonyme de Jean Noir. Louis Aragon en signait la
préface, sous le nom de François La Colère.
Résistance, clandestinité,
poésie et sonnets. Sans encore entrer dans les textes, il y a là des ténèbres
et de la lumière, de la rigueur et de l’espoir. Jean Cassou ne disposait ni de
papier ni de crayon. Ces poèmes-là, il les a composés et retenus, suivant le
rythme et la forme du sonnet. Forme canonique de la poésie, contrainte forte,
comme une alliée. Les temps ne sont pas au vers libre…
Comme toujours chez
Folioplus Classiques, ce fascicule est exemplairement construit. Le dossier
proposé par Henri Scepi cerne à la fois la genèse de ces trente-trois sonnets
particuliers et la littérature de résistance. Scepi entre véritablement dans
les poèmes, dénoue le legato, met en
relief les variations formelles, scrute la rime interne ou finale. Une mine
d’or pour les enseignants, à qui cette collection s’adresse en priorité.
L’image choisie pour
illustrer ces sonnets est… une sculpture. Bertrand Leclair propose une
lecture-découverte de l’Atlas de Michel-Ange.
Le Titan est prisonnier du marbre : on ne sait, au fond, si la statue est
inachevée, ou si Michel-Ange l’a jugée terminée. Ce rapprochement entre le
poète emprisonné dans sa geôle et le dieu pris dans le marbre semble aller de
soi : au-delà du symbole, c’est la Renaissance qui les rassemble, cette
période qui a vu la naissance de la forme canonique du sonnet et l’émancipation
des sujets traités.
Les sonnets de Jean Cassou
vont au-delà de l’émotion :
« Squelette
d’or au long des murailles scellées,
le dormeur
éveillé promène sa misère
victorieuse
et le trésor émerveillé
d’une ingénuité
indulgente aux chimères. »
La préface de Louis Aragon est
admirable. Elle dit les temps obscurs et parie sur la délivrance. Dans ce
chemin de sortie des ténèbres, la place de la poésie :
« Que
la prison s’écroule, et ne lui survive que le chant ! Et ce chant, pour
secret qu’il soit tenu d’être, survivra certes à toutes nos prisons, comme,
après le retrait d’une crue, demeurent ces inscriptions émouvantes dont les enfants
étonnés frémissent, qui marquent un niveau jadis atteint et la date, cochés à l’étiage
du grand drame français. »