dimanche 2 octobre 2016

Trente-trois sonnets composés au secret de Jean Cassou


Jean Cassou, Trente-trois sonnets composés au secret, éd. Folio, coll. Folioplus classiques, 8 septembre 2016, 192 pages.

Ces trente-trois sonnets furent composés entre décembre 1941 et février 1942, alors que Jean Cassou était emprisonné à Toulouse pour acte de résistance. Ils furent publiés dans la clandestinité sous le pseudonyme de Jean Noir. Louis Aragon en signait la préface, sous le nom de François La Colère.

Résistance, clandestinité, poésie et sonnets. Sans encore entrer dans les textes, il y a là des ténèbres et de la lumière, de la rigueur et de l’espoir. Jean Cassou ne disposait ni de papier ni de crayon. Ces poèmes-là, il les a composés et retenus, suivant le rythme et la forme du sonnet. Forme canonique de la poésie, contrainte forte, comme une alliée. Les temps ne sont pas au vers libre…

Comme toujours chez Folioplus Classiques, ce fascicule est exemplairement construit. Le dossier proposé par Henri Scepi cerne à la fois la genèse de ces trente-trois sonnets particuliers et la littérature de résistance. Scepi entre véritablement dans les poèmes, dénoue le legato, met en relief les variations formelles, scrute la rime interne ou finale. Une mine d’or pour les enseignants, à qui cette collection s’adresse en priorité.

L’image choisie pour illustrer ces sonnets est… une sculpture. Bertrand Leclair propose une lecture-découverte de l’Atlas de Michel-Ange. Le Titan est prisonnier du marbre : on ne sait, au fond, si la statue est inachevée, ou si Michel-Ange l’a jugée terminée. Ce rapprochement entre le poète emprisonné dans sa geôle et le dieu pris dans le marbre semble aller de soi : au-delà du symbole, c’est la Renaissance qui les rassemble, cette période qui a vu la naissance de la forme canonique du sonnet et l’émancipation des sujets traités.

Les sonnets de Jean Cassou vont au-delà de l’émotion :
« Squelette d’or au long des murailles scellées,
le dormeur éveillé promène sa misère
victorieuse et le trésor émerveillé
d’une ingénuité indulgente aux chimères. »
La préface de Louis Aragon est admirable. Elle dit les temps obscurs et parie sur la délivrance. Dans ce chemin de sortie des ténèbres, la place de la poésie :
« Que la prison s’écroule, et ne lui survive que le chant ! Et ce chant, pour secret qu’il soit tenu d’être, survivra certes à toutes nos prisons, comme, après le retrait d’une crue, demeurent ces inscriptions émouvantes dont les enfants étonnés frémissent, qui marquent un niveau jadis atteint et la date, cochés à l’étiage du grand drame français. »