samedi 29 mai 2021

Nuestra parte de noche de Mariana Enriquez

La littérature argentine est un continent à elle seule. Bien entendu, elle s’inscrit dans le panorama de la littérature latino-américaine, mais les voix qui la composent écrivent – chantent – sur une gamme légèrement différente, plus profonde peut-être, assurément plus étrange. Mais en aucun cas discordante. Mariana Enriquez, dans Nuestra parte de noche, parvient à embrasser des motifs et des genres apparemment inconciliables, et nous offre le plus beau roman d’initiation de ces dernières années. 

Nous suivons l’itinéraire de Gaspar, de sa naissance à ses vingt-cinq ans. Nous allons le voir grandir, s’interroger, passer par des épreuves terribles, tenter de s’émanciper, y parvenir, puis découvrir un secret de famille qui le conduira à comprendre le pourquoi de son itinéraire si singulier. 


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jeudi 20 mai 2021

Elma, de Eva Björg Ægisdóttir

Eva Björg Ægisdóttir, Elma, traduit de la version anglaise, d’après l’islandais, par Ombeline Marchon, éd. La Martinière, 20 mai 2021.


La littérature islandaise, comme toutes les littératures nordiques, a le polar en poupe. Et dans ces polars-là, en général, les femmes et les enfants sont victimes de sévices terrifiants. Parfois, un arrière-plan historique et politique offre un cadre plus large aux violences intrafamiliales. Parfois. Ce n’est pas le cas ici. Eva Björg Ægisdóttir, qui signe un premier roman, nous emmène à Akranes, sa ville natale. C’est un ancien village de pêcheurs devenu petite ville et reliée à la capitale par un tunnel creusé sous un fjord. Ça aurait pu être dépaysant, si on nous avait décrit les paysages, le fameux tunnel… ça ne l’est pas. Même le phare, lieu de la découverte du cadavre à l’origine de l’enquête, nous reste flou. La couverture du livre est plus évocatrice que le texte.

De quoi est-il question, dans Elma ? Du retour d’une policière nommée Elma sur ses terres natales. A Akranes, on s’étonne de la voir revenir dans cette petite ville sans histoires alors qu’elle était en poste à Reykjavik. Oui, mais bon, elle s’est séparée de son compagnon, alors, retour au bercail. Sa mère cuisine, sa sœur papote… La première enquête d’Elma à Akranes est une enquête pour meurtre. Une femme, bonne situation, mariée, deux enfants, a été assassinée, sans doute renversée par une voiture, près du phare. Pourquoi était-elle revenue dans la ville d’enfance qu’elle avait fuie ? 

Le petit intérêt du roman repose peut-être sur la communauté des habitants d’Akranes : nous sommes ici dans un univers fermé, tout le monde se connaît, on préserve les notables, Elma se souvient qu’à l’école elle avait flashé sur le fils d’un des suspects, etc. Mais tout cela semble quelque peu artificiel, ou plaqué. L’action se déroule sur plusieurs temps, avec des passages en italiques qui nous renvoient à l’enfance de la victime trouvée près du phare, qui était déjà victime au temps de son enfance. Victime, puis bourrelle à son tour, comme c’est souvent le cas, et infiniment seule. 

L’Islande nous offre d’autres auteurs plus modulés, plus éloignés des produits polardesques, Auður Ava Ólafsdóttir, par exemple, qui sait évoquer l’âme de son île avec empathie et fantaisie. Eva Björg Ægisdóttir tente de rendre compte d’un territoire qu’elle connaît sans doute très bien, mais pour ma part, je ne m’y suis pas sentie invitée. Cela tient aussi, sans doute, à la traduction française passée par le filtre de la langue anglaise. La platitude du texte traduit – répétitions, mots simples, construction standard des phrases – ajoute à l’ennui et à la déception. Il est difficile de s’attacher aux personnages, qui ont peu de consistance. Bref, je me suis ennuyée dans ce polar. Je dirais que la lecture de Elma est… dispensable.