jeudi 28 janvier 2021

Kentukis de Samanta Schweblin

Samanta Schweblin, Kentukis, traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 14 janvier 2021, 272 pages.

Imaginez… Imaginez de jolies petites peluches toutes douces. Elles ont la forme de lapins, de pandas, de corbeaux, de dragons… Elles se déplacent sans la volonté de celui qui les a acquises, mais ne sont pas mues par une intelligence artificielle. C’est un humain qui est aux commandes, qui décide d’aller et venir, qui se dirige de lui-même vers sa base pour se recharger, et qui, même, peut se déconnecter et laisser son « maître » tout seul. Mais le maître de la peluche peut tout aussi bien décider de passer son petit dragon, ou son petit panda, sous la douche, ou de le fracasser à coups de marteau, et donc de s’en débarrasser. Ces petites peluches s’appellent des Kentukis, elles sont nées de l’imagination de Samanta Schweblin qui les promène dans de courts chapitres saisissants, tout autour du monde. Le roman qu’elle nous propose est glaçant et poétique, d’une poésie ultra-contemporaine qui pousse à ses limites le jeu du voyeurisme et de l’exhibitionnisme. 

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mardi 19 janvier 2021

Entretien avec Georges-Olivier Châteaureynaud

A cause de l’éternité : Entretien-fleuve avec Georges-Olivier Châteaureynaud

A l’occasion de la parution de son dernier roman, l’écrivain livre des fabuleuses clefs de lecture du diptyque dont, après L’Autre rive (Grasset, 2007), A cause de l’éternité (Grasset, 2021) constitue la seconde époque. 


Christine Bini : Sur la quatrième de couverture de votre dernier roman, A cause de l’éternité, on peut lire : « L’imaginaire qui se déploie dans ce roman-monde n’a pas d’équivalent dans la littérature française contemporaine. » Êtes-vous d’accord avec cette qualification de « roman-monde » ? Plus que le politique et le social, l’économique et l’historique, il semble que votre préoccupation première dans vos romans et nouvelles soit le fait même d’exister, de naître, vivre et mourir. Vos personnages, ici, évoluent sur les bords du Styx, et Charon est une silhouette familière du décor que vous érigez.

Georges-Olivier Châteaureynaud : Dans le principe, tout romancier tente de substituer au monde objectif (si tant est qu’il existe quoi que ce soit de semblable…) un « monde à lui » supposé exprimer sa perception des choses. Ce « monde à lui » peut être très proche de la perception commune. Le diptyque dont, après L’Autre rive, A cause de l’éternité constitue la seconde époque, en diffère notablement. L’action se déroule à l’époque moderne, mais à Ecorcheville, au bord du fleuve des morts. Cette région présente la particularité que l’esclavage n’y a jamais été aboli. D’autre part, la proximité relative des Enfers entraîne des précipitations insolites (pluies d’animaux et d’insectes divers) ainsi que l’échouage occasionnel de créatures venues de l’autre rive (centaure, sirène, satyre, minotaure…). En dehors de ça, la société locale n’est pas sans ressembler à la nôtre, par les inégalités de naissance et de fortune qu’elle présente. Quelques grandes familles monopolisent richesse et pouvoir, les personnages en sont issus ou gravitent autour d’elles, mais il est vrai que ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel se résume à une question à laquelle il est bien entendu impossible, impensable, de répondre avec certitude et qui pourrait se formuler tout platement ainsi : « Qu’est-ce qu’on fait là? ». Là : au monde, individuellement, pour si peu de temps. Qu’est-ce que je fais là, sous le ciel ? Il s’agit donc, avec A cause de l’éternité, d’un « roman-monde à moi » où tend à s’exprimer mon effarement d’être né… et de devoir mourir un jour.

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lundi 18 janvier 2021

A cause de l’éternité de Georges-Olivier Châteaureynaud

Georges-Olivier Châteaureynaud, A cause de l’éternité, éd. Grasset, 20 janvier 2021, 704 pages.

En 2007 Georges-Olivier Châteaureynaud publiait L’Autre rive (1), qui devait recevoir le grand prix de l’imaginaire. On évoluait dans Ecorcheville, cité singulière sise au bord du Styx, le fleuve des Enfers. Nous suivions les aventures et mésaventures de Benoît Brisé, adolescent tourmenté par le mystère de ses origines, tandis que les familles patriciennes de l'endroit lançaient le projet fou de bâtir un pont sur le Styx. En 2021, Châteaureynaud nous offre la seconde époque de L’Autre rive, intitulée A cause de l’éternité. Trente ans se sont écoulés. Malicieusement, l’auteur tourne le dos au fleuve et au pont inachevé, inachevable, et nous entraîne dans l'arrière-pays d’Ecorcheville, au château d' Eparvay. 

Alphan Bogue a vingt-cinq ans. Diplômé en histoire de l’art, son domaine d’expertise est Rembrandt. Il est en passe d’épouser une descendante de Churchill. A la veille de ce mariage, il se laisse convaincre par son père, brocanteur d'une honnêteté élastique, de s'introduire clandestinement au château d'Eparvay pour expertiser un autoportrait supposé de Rembrandt, œuvre de jeunesse jamais répertoriée. En Alphan, la curiosité du docteur en art l'emporte sur la prudence. Il pénètre dans le château d’Eparvay par les souterrains, et l’aventure commence.

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