Soulages / Variations,
textes de Geneviève Vidal, dessins de Pierre Lacôte, Zhor éditions, juillet
2013, 64 pages.
Le Musée des Beaux-Arts de Lyon
a accueilli d’octobre 2012 à janvier 2013 une exposition intitulée
« Soulages XXIe siècle ». Geneviève Vidal a travaillé sa poésie
devant les peintures noires – et quelques peintures blanches – tandis que
Pierre Lacôte déclinait en topogrammes le nom du peintre.
Pierre Soulages. Le peintre qui raye le noir, qui le zèbre
et le triture. La ville de Lyon lui avait déjà consacré une exposition en 1987. Ces noirs, et ces quelques blancs, ont
finalement autant à voir avec la vibration de la lumière – ce qui naît de la
peinture – qu’avec la métaphysique. Le noir n’est peut-être pas une couleur,
chez Soulages elle devient toutes les couleurs. Et le noir est une question.
Geneviève Vidal est philosophe. Elle a également fait des recherches
sur le travail de Rothko. La peinture de Soulages ne pouvait que l’appeler.
Émotion
à se trouver devant
face à face
Trouble d’un partage entre terre et feu
du fond de la grotte immémoriale
à la source des signes
où s’origine le noir
Dans ces noirs travaillés, Geneviève Vidal décèle une
remontée aux origines, « comme un geste africain », apparition des
premiers hommes, mise en place des premiers rituels, et naissance de la poésie.
Dans les noirs de Soulages, la poétesse voit ce qui est en l’homme, depuis
toujours, et ce qui est en elle, aussi : la solitude, le pourquoi de la
présence, l’esprit mêlé à la matière. Les noirs de Soulages sont denses, les
poèmes de Geneviève Vidal intenses, sans autre ponctuation que le souffle même
du texte, disposé graphiquement, noir sur blanc.
Elle fait dialoguer deux toiles, la blanche et la noire, sur
deux pages en vis-à-vis, selon la disposition des tableaux dans la salle du
Palais Saint-Pierre de Lyon. Elle fait aussi dialoguer deux peintres, ou plutôt
deux peintures, celles de Soulages et de Rothko :
Nuit rouge de Rothko Noir
lumière de Soulages
Transcendance pour
l’un Immanence pour l’autre
Pierre Lacôte dispose les lettres du nom du peintre dans des
compositions empilées, en noir et blanc. Ces figures sont souples, rondes, ou
bien à l’opposé aiguës, tranchantes. Il s’agit de « topogrammes »,
nom que Lacôte donne à ces dessins. « Il suffisait de prendre les mots par
la lettre pour leur redonner corps », explique-t-il. Le résultat est assez
spectaculaire, et entre en vibration serrée avec la disposition des textes de
Geneviève Vidal.
Avec Soulages / Variations, on est véritablement en poésie.
Le recueil est solidement construit, homogène. S’en dégagent des émotions
premières, et des réflexions essentielles. Le lecteur est conduit à faire le
voyage du faire au dire : la toile de Soulages – les lettres du nom du
peintre utilisées en motifs – les mots du poème.