vendredi 20 septembre 2013

Soulages / Variations de Geneviève Vidal et Pierre Lacôte



Soulages / Variations, textes de Geneviève Vidal, dessins de Pierre Lacôte, Zhor éditions, juillet 2013, 64 pages.

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon a accueilli d’octobre 2012 à janvier 2013 une exposition intitulée « Soulages XXIe siècle ». Geneviève Vidal a travaillé sa poésie devant les peintures noires – et quelques peintures blanches – tandis que Pierre Lacôte déclinait en topogrammes le nom du peintre.
         Pierre Soulages. Le peintre qui raye le noir, qui le zèbre et le triture. La ville de Lyon lui avait déjà consacré une exposition en 1987. Ces noirs, et ces quelques blancs, ont finalement autant à voir avec la vibration de la lumière – ce qui naît de la peinture – qu’avec la métaphysique. Le noir n’est peut-être pas une couleur, chez Soulages elle devient toutes les couleurs. Et le noir est une question.
         Geneviève Vidal est philosophe. Elle a également fait des recherches sur le travail de Rothko. La peinture de Soulages ne pouvait que l’appeler.

         Émotion
                  à se trouver devant
                          face à face

         Trouble d’un partage entre terre et feu
                  du fond de la grotte immémoriale

                  à la source des signes
         où s’origine le noir

         Dans ces noirs travaillés, Geneviève Vidal décèle une remontée aux origines, « comme un geste africain », apparition des premiers hommes, mise en place des premiers rituels, et naissance de la poésie. Dans les noirs de Soulages, la poétesse voit ce qui est en l’homme, depuis toujours, et ce qui est en elle, aussi : la solitude, le pourquoi de la présence, l’esprit mêlé à la matière. Les noirs de Soulages sont denses, les poèmes de Geneviève Vidal intenses, sans autre ponctuation que le souffle même du texte, disposé graphiquement, noir sur blanc.
         Elle fait dialoguer deux toiles, la blanche et la noire, sur deux pages en vis-à-vis, selon la disposition des tableaux dans la salle du Palais Saint-Pierre de Lyon. Elle fait aussi dialoguer deux peintres, ou plutôt deux peintures, celles de Soulages et de Rothko :

         Nuit rouge de Rothko  Noir lumière de Soulages
         Transcendance   pour l’un    Immanence pour l’autre

        
Ces deux-là sont allés au sacré : chapelle de Houston pour le premier, vitraux de Conques pour le second. Les vibrations de la couleur disent toujours plus que leur seule persistance rétinienne. Philosophe et poétesse, elle évoque au singulier un « champ magnétique » qui sans doute renvoie à des Champs magnétiques surréalistes, expériences d’écriture automatique.
         Pierre Lacôte dispose les lettres du nom du peintre dans des compositions empilées, en noir et blanc. Ces figures sont souples, rondes, ou bien à l’opposé aiguës, tranchantes. Il s’agit de « topogrammes », nom que Lacôte donne à ces dessins. « Il suffisait de prendre les mots par la lettre pour leur redonner corps », explique-t-il. Le résultat est assez spectaculaire, et entre en vibration serrée avec la disposition des textes de Geneviève Vidal.
         Avec Soulages / Variations, on est véritablement en poésie. Le recueil est solidement construit, homogène. S’en dégagent des émotions premières, et des réflexions essentielles. Le lecteur est conduit à faire le voyage du faire au dire : la toile de Soulages – les lettres du nom du peintre utilisées en motifs – les mots du poème.