Thierry Bourcy et François-Henri Soulié, Le Songe de l’astronome, éd. 10/18, septembre 2016, 264 pages.
Tycho Brahé (1546–1601) est
véritablement un homme de son temps. Ce qui occupe les esprits du XVIe siècle,
c’est la compréhension de l’univers, la place de l’homme et de la Terre dans
cet univers. On observe, on calcule, on déduit. L’inquisition veille et
surveille, et il ne fait pas bon remettre en cause les dogmes. Comment la Terre
peut-elle tourner autour du soleil ? Mais non ! c’est le contraire,
affirme l’Eglise. Brahé ne peut se résoudre à la révolution copernicienne, il
bâtit une théorie mixte, baptisée « géo-héliocentrique ». Ce Tycho
Brahé, par ailleurs alchimiste comme tous les savants de l’époque, n’ose aller
au bout de ses convictions, par crainte d’un procès. Son assistant, Johannes
Kepler, sera moins timoré…
On ignore les causes
exactes de la mort de Tycho Brahé. On sait qu’il souffrait de la maladie de la
pierre, qu’il se soignait par l’arsenic. Aurait-il été empoisonné ?
Thierry Bourcy et François-Henri Soulié s’emparent de cette énigme non résolue
et en font un roman policier. Nous sommes à Prague, en 1601, à la cour de
l’empereur Rodolphe II. Le savant doit exposer ses théories devant un parterre
choisi, et particulièrement devant l’inquisiteur Roberto Bellamin, qui a poussé
à la condamnation de Giordano Bruno. On ne plaisante pas avec Bellamin, on fait
attention aux théories qu’on avance… le bûcher peut être allumé dès lors qu’on
dévie du dogme… Dans le château, maîtres et valets s’activent, chacun à sa
façon. Toute une galerie de personnages est présentée dans le premier tiers du
roman, avant que l’action se déclenche réellement.
Le roman policier historique
se doit de respecter l’Histoire, mais doit aussi légèrement dévier pour faire
naître le suspense. Le Songe de
l’astronome respecte la loi du huis-clos, l’enquête offre de multiples
résolutions possibles, les suspects et les « détectives » sont bien
campés. L’atmosphère de la cour de Rodolphe II est tout à fait réaliste. Le
mystère est souligné par l’existence de passages secrets, d’intrigues de cour, d'espionnage, d’intérêts individuels, de désirs et de jalousies.
Le Songe de l’astronome
est un polar bien ficelé, dont le mérite premier est sans doute de faire connaître
un peu mieux les travaux et théories de Tycho Brahé. La part belle faite à l’alchimie,
« science » mystérieuse et élitiste, ajoute du sel à cette histoire.
*
Extrait :
"Un feu de tourbe, doux et régulier, chauffait l'athanor. Trois hommes étaient réunis dans le laboratoire d'alchimie. Face au prince Rodolphe et à Tycho Brahé, un homme au visage long et fin, portant une barbe taillée en carré et des moustaches en pointe, s'activait devant une table couverte de cornues, d'alambics et de récipients de formes diverses, ainsi que d'entonnoirs de toute dimensions, de tamis et de pilons.
(...)
- Alors, où en sommes-nous, cette fois?
Maier posa délicatement le pilon qui venait de lui servir à réduire en poudre fine un sel aux reflets mauves.
- Nous avançons sur la voie humide, prince."