Je n'ouvre ni polémique ni débat. Et il n'y a
même pas de "mais". Je viens de lire l'éditorial (1) publié sur une
revue en ligne à laquelle j'ai contribué, et dont j'ai été rédac-chef (ce titre
ne signifiait rien) avant d'en claquer la porte virtuelle. Je ne comprends pas
vraiment la teneur de cet éditorial, j'y décèle une espèce de mise au point
dont les tenants et aboutissants m'échappent. La raison véritable de l'édito se
situant, à mon sens, « en creux » (la pré-conclusion « dont
acte » me le laissant penser). Il semble s'agir d'une réponse, ou riposte,
à une attaque dont l'internaute ignore tout (dont, pour ma part, j'ignore
tout).
Mais cet édito mystérieux, ou crypté, a le mérite
de soulever le problème de la dénomination, sans toutefois le résoudre. Qui
sont les « experts » de la critique littéraire ? Et qu'entend-on
par « critique » en dehors du champ universitaire, ou
journalistique ? Il y a un monde entre les expertises de spécialistes et
les « j’aime/j’aime pas » des booktubeurs cantonnés à la chick-lit. « L'irruption
des lecteurs comme acteurs de l'écriture » est, me semble-t-il, antérieure
à l'apparition des réseaux sociaux, il faudrait étudier le truc. Et « le
couple infernal écrivain/critique » continue de se déchirer, même si la
notion de « critique » a perdu, ou disséminé, ses critères.
Je remplacerais volontiers le mot "critique" par celui de "chroniqueur" |
Je n'aime pas l'image du « salon
littéraire » sur la toile, parce qu'un salon, par définition, c'est « cosy »,
et que le web, c'est « wide ». Voire « wild ».
Je ne sais pas qui sont ces « experts
littéraires » visés par l'édito sus-évoqué. Par les temps qui courent, le
terme d' « expert » est d'ailleurs assez polémique, surtout en ce qui
concerne l'analyse géo-politique. Un critique (universitaire) est reconnu par
ses pairs - même si cette reconnaissance est aussi sujette à caution - alors
qu'un expert est décrété tel par l'urgence de l'actualité en marche. Là encore,
les mots perdent - ont perdu - leur sens. Ou le justifient, justement, du point
de vue de l’actualité. Les maisons d’édition qui misent sur les blogueurs pour
réagir quasi instantanément à une publication l’ont bien intégré à leur plan de
communication. Mais le « bouche à oreille », même numérique, n’a
jamais été le signe de la véritable qualité – nous avons, tous, des exemples
contraires, n’est-ce pas ?, et des déceptions abyssales... Le truchement
amical a laissé la place au buzz, qui n’en est que la forme contemporaine. Une
sorte de tromperie sur la marchandise.
Il est venu le temps, peut-être – le temps
« internet », différent de celui de ces déjà vieilles montres Swatch
qui égrenaient un temps imaginaire – de se pencher sur l’appréciation, dans
tous les sens du terme, de la « lecture des lecteurs ». Ou pas. Ou
pas encore.
Cela dit, je retourne à mes coloriages, au
visionnage pour la 11e fois de la saison 2 de Fringe (qui est de loin la meilleure !) et demain, je te parle
d’un roman US avec ma copine Virginie (4).
*
Notes
(2) Pour ma part, je peux te faire une lecture
critique de l’œuvre d’Ernesto Sábato, c’était ma spécialité universitaire.
(3) Je songe ici à bien des essais, mais
prioritairement à celui qu’Hubert Haddad a consacré à Julien Gracq (éd. Zulma,
2004).
(4) Nous sommes, elle et moi, deux rescapées
de la même revue en ligne.