mercredi 7 octobre 2015

Revival de Stephen King



Stephen King, Revival, Albin Michel, 30 septembre 2015, 448 pages.

Dans la production démesurée de Stephen King, tous les romans ne sont pas de qualité égale. Depuis 22/11/63, l’émotion n’était plus vraiment au rendez-vous. Avec Revival, l’écrivain américain parvient à nouveau à toucher le lecteur, sans doute parce qu’il utilise les ingrédients qu’il maîtrise le mieux – la vie familiale dans une petite ville, le Rock & Roll et les guitares, l’enfance et le premier amour de jeunesse. Sans doute, aussi, parce qu’il s’appuie, cette fois-ci, sur un arrière-fond littéraire qui a fait ses preuves, Mary Shelley et Lovecraft, entre autres. Et surtout parce qu’il choisit comme cœur de son histoire la seule question qui admet toutes les réponses, sans espoir de réponse tangible : qu’y a-t-il au-delà de la mort ?

La question est aussi religieuse, et l’un des personnages principaux du roman est un pasteur méthodiste. Le narrateur, Jamie Morton, le rencontre à l’âge de six ans, et c’est une espèce de coup de foudre. Le pasteur Charles Jacobs et Jamie sont liés par une connivence immédiate. Charles est obnubilé par ses recherches sur l’électricité, et parvient à guérir un des frères de Jamie, devenu muet après un accident de ski, en utilisant un appareillage tout à fait rudimentaire, une sorte de ceinture confectionnée à la va-vite qu’il place autour du cou de l’enfant et dans laquelle il fait passer du courant. Le gamin parle à nouveau, instantanément. L’épouse et le fils du pasteur périssent dans un accident de voiture, et après un sermon extraordinaire sur l’inconséquence de Dieu, irrecevable par ses paroissiens, Charles s’en va. Le temps passe, Jamie grandit, devient guitariste de rock, tombe amoureux d’une de ses camarades de lycée. La narration suit le parcours de Jamie, un parcours presque cliché, pavé de réussite musicale et d’addiction à l’héroïne. Le pasteur et Jamie se retrouvent, Charles guérit Jamie de la drogue, à nouveau avec un procédé électrique. L’itinéraire de Charles est singulier : de pasteur il devient forain, puis prédicateur-guérisseur, lui qui ne croit plus en Dieu.

Revival est un titre parfait pour ce roman, titre qui englobe l’intrigue et le retour de l’auteur à ses thèmes essentiels. La foudre, l’orage, l’électricité qui guérit et ressuscite, ce sont les motifs de Frankenstein, et d’ailleurs un des personnages importants de la dernière partie du livre se prénomme Mary, a pour nom de jeune fille Shelley, son époux est poète, et son fils s’appelle Victor. Le lecteur fidèle peut croire, presque jusqu’à la fin, que le but que poursuit Charles Jacobs est le même que celui que poursuivait Louis Creed, le héros d’un des romans les plus aboutis de King, Simetierre. Louis s’ingéniait à faire revenir d’entre les morts son fils, et son épouse. Mais rien de tel dans Revival, alors que c’est ce que le lecteur attend, plus ou moins. Les pouvoirs de l’électricité, ici, ne cherchent pas à vaincre la mort, mais à la connaître. Qu’y a-t-il derrière la porte ? Et c’est là que l’horreur lovecraftienne entre en jeu.

La foudre est le symbole du pouvoir divin mythologique – Jupiter, Thor – et l’électricité son pendant moderne – l’énergie. Christopher Priest, dans son roman Le Prestige, a choisi d’intégrer le physicien Nikola Tesla à une intrigue ayant pour fond la prestidigitation, autant dire la magie. La magie, c’est aussi le substrat qu’utilise Stephen King dans les scènes où Charles Jacobs, devenu prédicateur, guérit sous des chapiteaux combles des paralysés, des arthritiques et des cancéreux. La magie, mais jamais la crédulité. Parce que ça marche. Non sans conséquences, mais ça marche. Sous l’apparence de l’homme de Dieu, l’ex-pasteur Charles Jacobs poursuit ses expériences scientifiques.

On ne soulignera jamais assez la maîtrise du récit que possède Stephen King. Revival se dévore. Aucun temps mort. Aucune trêve. Et ce talent de dérouter le lecteur, de l’emmener ailleurs quand il croyait que la route était balisée… Le lecteur est possédé. Souhaitons que King ne nous fasse plus lanterner avec trois ou quatre romans mineurs avant de nous offrir à nouveau une étincelle à la hauteur de Revival.