Stephen King, Revival, Albin Michel, 30 septembre 2015, 448 pages.
Dans la production
démesurée de Stephen King, tous les romans ne sont pas de qualité égale. Depuis
22/11/63, l’émotion n’était plus
vraiment au rendez-vous. Avec Revival,
l’écrivain américain parvient à nouveau à toucher le lecteur, sans doute parce
qu’il utilise les ingrédients qu’il maîtrise le mieux – la vie familiale dans
une petite ville, le Rock & Roll et les guitares, l’enfance et le premier
amour de jeunesse. Sans doute, aussi, parce qu’il s’appuie, cette fois-ci, sur
un arrière-fond littéraire qui a fait ses preuves, Mary Shelley et Lovecraft,
entre autres. Et surtout parce qu’il choisit comme cœur de son histoire la
seule question qui admet toutes les réponses, sans espoir de réponse
tangible : qu’y a-t-il au-delà de la mort ?
La question est aussi
religieuse, et l’un des personnages principaux du roman est un pasteur
méthodiste. Le narrateur, Jamie Morton, le rencontre à l’âge de six ans, et
c’est une espèce de coup de foudre. Le pasteur Charles Jacobs et Jamie sont
liés par une connivence immédiate. Charles est obnubilé par ses recherches sur
l’électricité, et parvient à guérir un des frères de Jamie, devenu muet après
un accident de ski, en utilisant un appareillage tout à fait rudimentaire, une
sorte de ceinture confectionnée à la va-vite qu’il place autour du cou de
l’enfant et dans laquelle il fait passer du courant. Le gamin parle à nouveau,
instantanément. L’épouse et le fils du pasteur périssent dans un accident de
voiture, et après un sermon extraordinaire sur l’inconséquence de Dieu, irrecevable
par ses paroissiens, Charles s’en va. Le temps passe, Jamie grandit, devient
guitariste de rock, tombe amoureux d’une de ses camarades de lycée. La narration
suit le parcours de Jamie, un parcours presque cliché, pavé de réussite
musicale et d’addiction à l’héroïne. Le pasteur et Jamie se retrouvent, Charles
guérit Jamie de la drogue, à nouveau avec un procédé électrique. L’itinéraire
de Charles est singulier : de pasteur il devient forain, puis
prédicateur-guérisseur, lui qui ne croit plus en Dieu.
Revival est un titre
parfait pour ce roman, titre qui englobe l’intrigue et le retour de l’auteur à
ses thèmes essentiels. La foudre, l’orage, l’électricité qui guérit et
ressuscite, ce sont les motifs de Frankenstein,
et d’ailleurs un des personnages importants de la dernière partie du livre se
prénomme Mary, a pour nom de jeune fille Shelley, son époux est poète, et son
fils s’appelle Victor. Le lecteur fidèle peut croire, presque jusqu’à la fin,
que le but que poursuit Charles Jacobs est le même que celui que poursuivait Louis
Creed, le héros d’un des romans les plus aboutis de King, Simetierre. Louis s’ingéniait à faire revenir d’entre les morts son
fils, et son épouse. Mais rien de tel dans Revival,
alors que c’est ce que le lecteur attend, plus ou moins. Les pouvoirs de
l’électricité, ici, ne cherchent pas à vaincre la mort, mais à la connaître. Qu’y
a-t-il derrière la porte ? Et c’est là que l’horreur lovecraftienne entre
en jeu.
La foudre est le symbole du
pouvoir divin mythologique – Jupiter, Thor – et l’électricité son pendant
moderne – l’énergie. Christopher Priest, dans son roman Le Prestige, a choisi d’intégrer le physicien Nikola Tesla à une intrigue ayant pour fond la prestidigitation, autant dire la magie. La magie,
c’est aussi le substrat qu’utilise Stephen King dans les scènes où Charles
Jacobs, devenu prédicateur, guérit sous des chapiteaux combles des paralysés,
des arthritiques et des cancéreux. La magie, mais jamais la crédulité. Parce
que ça marche. Non sans conséquences,
mais ça marche. Sous l’apparence de l’homme de Dieu, l’ex-pasteur Charles
Jacobs poursuit ses expériences scientifiques.
On ne soulignera jamais
assez la maîtrise du récit que possède Stephen King. Revival se dévore. Aucun temps mort. Aucune trêve. Et ce talent de
dérouter le lecteur, de l’emmener ailleurs quand il croyait que la route était
balisée… Le lecteur est possédé. Souhaitons que King ne nous fasse plus
lanterner avec trois ou quatre romans mineurs avant de nous offrir à nouveau une
étincelle à la hauteur de Revival.