samedi 7 février 2015

Les Disparus de Mapleton



Tom Perrotta, Les Disparus de Mapleton (The Leftovers), traduit de l’anglais (USA) par Emmanuelle Ertel, (première édition : Fleuve, 2013), 10/18, janvier 2015, 480 pages.

Des millions de personnes disparaissent inexplicablement de la surface de la Terre un certain 14 octobre. Des millions de personnes, qui ne représentent, en fait, que 2% de la population mondiale, mais tout de même, cela fait du monde. Assez de monde pour que chacun soit touché par au moins une de ces disparitions mystérieuses. Tom Perrotta imagine ce postulat pour en mesurer les conséquences sur ceux qui restent.

La question du « pourquoi » se pose un temps. Pourquoi tel père, telle fille, telle famille entière ont-ils disparu ? Ont-ils été choisis ou est-ce une catastrophe qui a frappé aléatoirement dans la population ? Les victimes de ce que l’on nomme « Le Ravissement » étaient-elles plus pures que les autres ? Ou au contraire plus pécheresses ? Comment vit-on le deuil, personnel ou collectif ? Comment fait-on son deuil lorsqu’on ne comprend pas ce qui est arrivé, et que l’on n’a aucun corps devant lequel se recueillir ? Une jeune fille est la seule survivante d’une famille entière. Une amoureuse a perdu son amoureux dans une étreinte. Morts ? Enlevés ? En tout cas, évaporés. L’absence de réponse conduit à des comportements radicaux. Curieusement, le titre français insiste sur les disparus, alors que le titre américain – The leftovers – est plus représentatif de la teneur du roman. Tom Perrotta choisit d’observer la vie d’une petite bourgade américaine après le traumatisme, et se place du côté de ceux qui restent.

Les sectes fleurissent. Les esprits plus ou moins faibles, plus ou moins déboussolés, se regroupent autour de figures charismatiques. Certains adeptes sont contraints au silence absolu, d’autres réinventent les communautés hippies. C’est à travers les parcours particuliers des membres d’une famille emblématique du Midwest que le lecteur entre dans ces différentes communautés, et constate les dégâts provoqués par un phénomène incompréhensible. Kevin et Laurie étaient mariés, avaient deux enfants – une fille, Jill ; et un fils, Tom. Famille normale, normalisée. Après le Ravissement, la famille se délite : la mère rejoint les pénitents des Coupables Survivants ; le fils opte pour la secte de Saint-Wayne et tombe amoureux d’une des épouses du gourou – celle qui est enceinte, et en qui certains reconnaissent l’ « Élue ». Le père, lui, continue d’exercer ses fonctions municipales tout en cherchant chaleur et tendresse auprès d’autres femmes. Quant à la fille Jill, elle se révolte à sa façon d’adolescente : crâne rasé, scolarité épisodique, mauvaises fréquentations.

Le point de départ uchronique – le Ravissement – est un prétexte pour examiner au plus près les dysfonctionnements d’une petite communauté américaine. Le roman tient du constat social, peut-être un peu trop appuyé, un peu trop convenu. Sur la couverture, un caddie de supermarché, vide sur un parking vide, suggère l’angoisse et évoque la vacuité de la société de consommation. Le roman Les Disparus de Mapleton a été transposé en série télévisée, format qui semble particulièrement adapté à l’histoire imaginée par Tom Perrotta.