Tom Perrotta, Les
Disparus de Mapleton (The Leftovers), traduit de l’anglais
(USA) par Emmanuelle Ertel, (première édition : Fleuve, 2013), 10/18,
janvier 2015, 480 pages.
Des millions de personnes
disparaissent inexplicablement de la surface de la Terre un certain 14 octobre.
Des millions de personnes, qui ne représentent, en fait, que 2% de la
population mondiale, mais tout de même, cela fait du monde. Assez de monde pour
que chacun soit touché par au moins une de ces disparitions mystérieuses. Tom
Perrotta imagine ce postulat pour en mesurer les conséquences sur ceux qui
restent.
La question du
« pourquoi » se pose un temps. Pourquoi tel père, telle fille, telle
famille entière ont-ils disparu ? Ont-ils été choisis ou est-ce une
catastrophe qui a frappé aléatoirement dans la population ? Les victimes
de ce que l’on nomme « Le Ravissement » étaient-elles plus pures que
les autres ? Ou au contraire plus pécheresses ? Comment vit-on le
deuil, personnel ou collectif ? Comment fait-on son deuil lorsqu’on ne
comprend pas ce qui est arrivé, et que l’on n’a aucun corps devant lequel se recueillir ?
Une jeune fille est la seule survivante d’une famille entière. Une amoureuse a
perdu son amoureux dans une étreinte. Morts ? Enlevés ? En tout cas,
évaporés. L’absence de réponse conduit à des comportements radicaux. Curieusement,
le titre français insiste sur les disparus, alors que le titre américain – The leftovers – est plus représentatif
de la teneur du roman. Tom Perrotta choisit d’observer la vie d’une petite
bourgade américaine après le traumatisme, et se place du côté de ceux qui
restent.
Les sectes fleurissent. Les
esprits plus ou moins faibles, plus ou moins déboussolés, se regroupent autour
de figures charismatiques. Certains adeptes sont contraints au silence absolu,
d’autres réinventent les communautés hippies. C’est à travers les parcours
particuliers des membres d’une famille emblématique du Midwest que le lecteur
entre dans ces différentes communautés, et constate les dégâts provoqués par un
phénomène incompréhensible. Kevin et Laurie étaient mariés, avaient deux
enfants – une fille, Jill ; et un fils, Tom. Famille normale, normalisée.
Après le Ravissement, la famille se délite : la mère rejoint les pénitents
des Coupables Survivants ; le fils opte pour la secte de Saint-Wayne et
tombe amoureux d’une des épouses du gourou – celle qui est enceinte, et en qui
certains reconnaissent l’ « Élue ». Le père, lui, continue d’exercer
ses fonctions municipales tout en cherchant chaleur et tendresse auprès
d’autres femmes. Quant à la fille Jill, elle se révolte à sa façon
d’adolescente : crâne rasé, scolarité épisodique, mauvaises
fréquentations.
Le point de départ uchronique
– le Ravissement – est un prétexte pour examiner au plus près les
dysfonctionnements d’une petite communauté américaine. Le roman tient du
constat social, peut-être un peu trop appuyé, un peu trop convenu. Sur la
couverture, un caddie de supermarché, vide sur un parking vide, suggère
l’angoisse et évoque la vacuité de la société de consommation. Le roman Les Disparus de Mapleton a été transposé
en série télévisée, format qui semble particulièrement adapté à l’histoire
imaginée par Tom Perrotta.