Joann Sfar est un tendre.
Un sensible comme on n’en fait plus, ou presque. Un Romain Gary à sa manière –
c’est peut-être le terrain niçois de l’enfance qui veut ça, et une judéité
affirmée mais relativisée, envisagée comme une composante mais jamais comme un
principe de base. André Sfar meurt dans les bras de son fils, dans l’hôpital de
Nice où il agonisait. Histoire banale, mort triviale. La vie de tout un chacun,
un jour ou l’autre. Les singularités familiales, les secrets et les tensions,
les reproches et les aveux non prononcés, mal vécus, voilà le récit des hommes.
Pour que ce récit devienne un texte littéraire et touchant, légèrement décalé
sur la ligne du témoignage, il faut savoir tourner le dos au pathos larmoyant
et faire confiance au comique de situation. Ne pas s’interdire de montrer ses
larmes, mais entre « montrer » et « étaler », il y a un
monde. Celui de l’élégance. Celui de l’émotion juste. Celui de Joann Sfar.