vendredi 3 novembre 2017

Une vie exemplaire de Jacob M. Appel

Jacob M. Appel, Une vie exemplaire (The Mask of Sanity), traduit de l’anglais par Anne Renon, éd. de la Martinière, 19 octobre 2017, 368 pages.


La couverture du roman rappelle les visuels de la série Dexter : une jaquette translucide teintant de rouge le titre du livre et le visage du tueur. Pas de doute, on va nous parler de serial killer. Ces assassins fascinent, on le sait. Mais on ne sait trop pourquoi, au fond. L’excellente série de David Fincher Mindhunter lève un pan du voile sur cette fascination : au strictement morbide et spectaculaire, les tueurs en série ajoutent une part calculatrice et incompréhensible, qu’il faut décrypter. Ces assassins sont en général le motif de départ d’une enquête : ce sont les flics, ou les journalistes, les moteurs de l’action. Que l’on pense à Zodiac, autre opus de Fincher, ou au Silence des agneaux, encore que dans ce film-là, le monstre collabore, de façon plus que tordue, avec l’enquêtrice du FBI.

Le roman de Jacob M. Appel repose sur l’idée que son héros décide de devenir un serial killer – même si un épisode de son enfance, révélé tard dans le texte, éclaire de manière biaisée sa décision. Le cardiologue Jeremy Balint découvre, par un curieux concours de circonstances, que sa femme a un amant, et que cet amant n’est autre qu’un de ses confrères, qu’il croise chaque jour à l’hôpital. Il faut le tuer, bien sûr… que faire d’autre ? Mais il ne faut pas que les soupçons se portent sur le mari bafoué. Alors, Balint ourdit un plan qui rappelle le roman d’Agatha Christie ABC contre Poirot. La grande dame du crime a, de toutes façons, déjà envisagé toutes les formes possibles et imaginables de meurtres, inutile d’en rajouter. En bref, et ce n’est en rien spoiler le roman d’Appel que de dévoiler cela : dissimuler la vraie vengeance dans un tourbillon de meurtres. Mais dans Une vie exemplaire, point de Poirot. Les enquêteurs sont quasi absents, seulement mentionnés ici ou là, et vaguement différenciés : d’un côté des inoffensifs, de l’autre de plus malins, ou plus intuitifs.

L’intérêt du roman repose sur le fait que le lecteur suit pas à pas les pensées et actions du tueur en série. Sans que le texte soit écrit à la première personne, le tueur est présent dans toutes les scènes. Jeremy Balint est machiavélique, organisé, intelligent. Il fait montre de très peu d’empathie, jamais envers ses victimes qu’il pare d’un joli ruban vert, vaguement envers une jeune infirmière à qui il jure de ne jamais rien cacher… sauf, bien sûr, ses activités meurtrières. Pas sûr que le cardiologue soit véritablement psychopathe. Ses actes sont plus calculés que pulsionnels, il suit un plan préétabli qui relève plus de la vengeance que de la véritable obsession maladive.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Une vie exemplaire se lit d’une traite, comme en apnée. Plus thriller psychologique que véritable polar ou traque à l’assassin, c’est le roman idéal pour une journée de vacances où l’on a envie de sensations fortes.

*

NB : un petit bémol : on relève par deux fois dans le texte « il mourrait » au lieu de « il mourait ». ». Une fois, c’est une coquille, deux fois, c’est une faute…