Jacob M. Appel, Une vie exemplaire (The Mask of Sanity), traduit de l’anglais par Anne Renon, éd. de la
Martinière, 19 octobre 2017, 368 pages.
La couverture du
roman rappelle les visuels de la série Dexter :
une jaquette translucide teintant de rouge le titre du livre et le visage du
tueur. Pas de doute, on va nous parler de serial
killer. Ces assassins fascinent, on le sait. Mais on ne sait trop pourquoi,
au fond. L’excellente série de David Fincher Mindhunter lève un pan du voile sur cette fascination : au
strictement morbide et spectaculaire, les tueurs en série ajoutent une part
calculatrice et incompréhensible, qu’il faut décrypter. Ces assassins sont en
général le motif de départ d’une enquête : ce sont les flics, ou les journalistes,
les moteurs de l’action. Que l’on pense à Zodiac,
autre opus de Fincher, ou au Silence des
agneaux, encore que dans ce film-là, le monstre collabore, de façon plus
que tordue, avec l’enquêtrice du FBI.
Le roman de Jacob
M. Appel repose sur l’idée que son héros décide
de devenir un serial killer – même si
un épisode de son enfance, révélé tard dans le texte, éclaire de manière biaisée
sa décision. Le cardiologue Jeremy Balint découvre, par un curieux concours de
circonstances, que sa femme a un amant, et que cet amant n’est autre qu’un de
ses confrères, qu’il croise chaque jour à l’hôpital. Il faut le tuer, bien sûr…
que faire d’autre ? Mais il ne faut pas que les soupçons se portent sur le
mari bafoué. Alors, Balint ourdit un plan qui rappelle le roman d’Agatha
Christie ABC contre Poirot. La grande
dame du crime a, de toutes façons, déjà envisagé toutes les formes possibles et
imaginables de meurtres, inutile d’en rajouter. En bref, et ce n’est en rien spoiler le roman d’Appel que de dévoiler
cela : dissimuler la vraie vengeance dans un tourbillon de meurtres. Mais
dans Une vie exemplaire, point de
Poirot. Les enquêteurs sont quasi absents, seulement mentionnés ici ou là, et vaguement
différenciés : d’un côté des inoffensifs, de l’autre de plus malins, ou
plus intuitifs.
L’intérêt du roman
repose sur le fait que le lecteur suit pas à pas les pensées et actions du
tueur en série. Sans que le texte soit écrit à la première personne, le tueur est
présent dans toutes les scènes. Jeremy Balint est machiavélique, organisé,
intelligent. Il fait montre de très peu d’empathie, jamais envers ses victimes
qu’il pare d’un joli ruban vert, vaguement envers une jeune infirmière à qui il
jure de ne jamais rien cacher… sauf, bien sûr, ses activités meurtrières. Pas
sûr que le cardiologue soit véritablement psychopathe. Ses actes sont plus
calculés que pulsionnels, il suit un plan préétabli qui relève plus de la
vengeance que de la véritable obsession maladive.
Mais ne boudons
pas notre plaisir. Une vie exemplaire
se lit d’une traite, comme en apnée. Plus thriller psychologique que véritable
polar ou traque à l’assassin, c’est le roman idéal pour une journée de vacances
où l’on a envie de sensations fortes.
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