Eric Poindron, Lettre ouverte aux fantômes, les miens, les vôtres & peut-être les
leur(re)s, éd. Le
Réalgar, avril 2017, 24 pages.
Aucun amateur de
fiction ne résiste aux fantômes. Ils sont là, qu’ils existent ou n’existent
pas. C’est cette idée – cette évidence – qu’Eric Poindron développe dans sa
lettre ouverte.
Le long titre de
son texte expose exactement son projet : les fantômes croisés ici sont
familiers (les siens, les nôtres), universels (les leurs) et peut-être
imaginaires (leurres). C’est sans doute dans l’Angleterre victorienne qu’ils se
sont le plus évidemment manifestés, et notamment en littérature. Fantômes chez
Chesterton, chez Lewis Caroll, et aussi chez Dickens, qui fait naître son David
Copperfield un vendredi soir.
« Vu le jour et
l’heure de ma naissance, la garde de ma mère et quelques commères du voisinage
[…] déclarèrent : 1° que j’étais destiné à être malheureux dans cette
vie ; 2° que j’aurai le privilège de voir des fantômes et des esprits.
Tout enfant de l’un ou l’autre sexe assez malheureux pour naître un vendredi
soir vers minuit possédait invariablement, disaient-elles, ce double don. »
Les fantômes de
Poindron sont cocasses et réfléchis, ils apparaissent parfois contre leur
volonté et ne veulent pas déranger. Faut-il avoir peur d’eux ? A-t-on
jamais pensé qu’eux aussi, sans doute, avaient peur de nous ? Si les
histoires de fantômes effraient, que font aux fantômes les histoires de vivants ?
Eric Poindron ne
cherche pas à convaincre de l’existence des fantômes. En excellent connaisseur
du terrain de l’imaginaire et de la fantaisie, en amateur éclairé des choses
obscures, et en ami complice de son lecteur, il convoque Nerval le poète, John
Frogg le détective de l’occulte et Harry Kellar le magicien. La lettre ouverte
de Poindron est autant un savoureux exercice de style qu’une invitation à
découvrir ou redécouvrir des auteurs hantés par le thème.