dimanche 16 avril 2017

De Snapchat et de la pédagogie

Pour Mathilde, Mahéra, Camille, Cendrine, Cloé, Ynès, Coline, Nora et Maelle (dans le désordre).



Lorsque je fais mon cours de Cultures de la Communication à propos des réseaux sociaux, je laisse délibérément de côté Snapchat, qui me semble réservé aux adolescents et à leurs petits délires. Mais… cette année… le groupe d’hispanistes – enfin, d’hispanisantes, hein…  – dont j’ai la charge m’a convaincue d’adopter également ce réseau. J’ai confié mon smartphone à mes étudiantes – en toute confiance – et elles y ont paramétré un groupe Snapchat baptisé « Hispacom ». Au début, je trouve ça rigolo, elles me montrent les filtres, la tronche que je me paie avec des oreilles de teckel, et comment on peut faire tomber une pluie de cerises sur les fenêtres de la salle de cours. OK. Et puis, petit à petit, les photos et les messages arrivent. Ça fait une sorte de « ploc » sur mon smartphone, je n’aime pas trop ce « ploc », mais je ne sais pas comment le changer (j’aimerais une musique séraphique). Bref. Les photos et les messages arrivent, donc, un mojito par ci, un hall d’aéroport par là, ce sont des étudiantes de leur temps, dessalées et voyageuses.

Et voilà qu’aujourd’hui, laissant tomber les oreilles de teckel et les pluies de cerises – entre temps, il s’est passé des choses sur Snapchat, c’est Pâques et ses œufs qui sont à l’honneur – j’envoie à mon groupe « Hispacom » la photo de la couverture d’un roman que je viens de lire, ajoutant que j’offre ce roman à qui veut, que c’est un bon bouquin, etc. Et là, miracle, les réponses fusent à la seconde, « ça parle de quoi madaaaame le roman ? », « Oh j’aimerais bien le lire », « Tu me le passeras après ? », « OK les filles, on fait tourner », etc.  Et une étudiante balance la photo de la couverture du bouquin qu’elle est en train de lire de son côté : Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir – dont nous avons parlé en cours il y a trois jours.

Snapchat, je viens de le comprendre, crée une complicité autre avec les étudiantes – qui ne sont plus des adolescentes, hein, elles étudient la communication et savent ce que représentent les influenceurs, etc., elle sont étudiantes en communication, ne l’oublions pas ! La relation qui est en train de s’établir au sein de ce groupe est à la fois complice et pédagogique. Il faut une bonne dose de confiance et de volonté farouche, de part et d’autre, pour arriver à ce point d’équilibre.


Il arrive un moment, en pédagogie, où l’élève ne dépasse pas le maître, non, mais l’accompagne gentiment dans son enseignement, en l’occurrence la maîtrise des nouveaux outils. Quand apprendre et enseigner fusionnent, c’est le début du nouveau monde, moi je dis… Et ce monde-là m’intéresse autant qu’il m’interroge.