Pour Mathilde,
Mahéra, Camille, Cendrine, Cloé, Ynès, Coline, Nora et Maelle (dans le
désordre).
Lorsque je fais mon cours de Cultures de la
Communication à propos des réseaux sociaux, je laisse délibérément de côté Snapchat,
qui me semble réservé aux adolescents et à leurs petits délires. Mais… cette
année… le groupe d’hispanistes – enfin, d’hispanisantes, hein… – dont j’ai la charge m’a convaincue d’adopter
également ce réseau. J’ai confié mon smartphone à mes étudiantes – en toute
confiance – et elles y ont paramétré un groupe Snapchat baptisé
« Hispacom ». Au début, je trouve ça rigolo, elles me montrent les
filtres, la tronche que je me paie avec des oreilles de teckel, et comment on
peut faire tomber une pluie de cerises sur les fenêtres de la salle de cours.
OK. Et puis, petit à petit, les photos et les messages arrivent. Ça fait une
sorte de « ploc » sur mon smartphone, je n’aime pas trop ce
« ploc », mais je ne sais pas comment le changer (j’aimerais une
musique séraphique). Bref. Les photos et les messages arrivent, donc, un mojito
par ci, un hall d’aéroport par là, ce sont des étudiantes de leur temps,
dessalées et voyageuses.
Et voilà qu’aujourd’hui, laissant tomber
les oreilles de teckel et les pluies de cerises – entre temps, il s’est passé
des choses sur Snapchat, c’est Pâques et ses œufs qui sont à l’honneur –
j’envoie à mon groupe « Hispacom » la photo de la couverture d’un
roman que je viens de lire, ajoutant que j’offre ce roman à qui veut, que c’est
un bon bouquin, etc. Et là, miracle, les réponses fusent à la seconde,
« ça parle de quoi madaaaame le roman ? », « Oh j’aimerais
bien le lire », « Tu me le passeras après ? », « OK
les filles, on fait tourner », etc. Et une étudiante balance la photo de la
couverture du bouquin qu’elle est en train de lire de son côté : Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir –
dont nous avons parlé en cours il y a trois jours.
Snapchat, je viens de le comprendre, crée
une complicité autre avec les étudiantes – qui ne sont plus des adolescentes,
hein, elles étudient la communication et savent ce que représentent les
influenceurs, etc., elle sont étudiantes en communication, ne l’oublions
pas ! La relation qui est en train de s’établir au sein de ce groupe est à
la fois complice et pédagogique. Il faut une bonne dose de confiance et de
volonté farouche, de part et d’autre, pour arriver à ce point d’équilibre.
Il arrive un moment, en pédagogie, où
l’élève ne dépasse pas le maître, non, mais l’accompagne gentiment dans son
enseignement, en l’occurrence la maîtrise des nouveaux outils. Quand apprendre
et enseigner fusionnent, c’est le début du nouveau monde, moi je dis… Et ce
monde-là m’intéresse autant qu’il m’interroge.