Claude Pujade-Renaud, Sans tambour ni trompette,
nouvelles, éd. Rhubarbe, août 2015, 60 pages.
On se souvient peut-être d’un
moment du dialogue du film Domicile
conjugal de François Truffaut :
« J’aimerais
trouver un titre à mon livre.
–
Il y a des tambours dans votre livre?
–
Non.
–
Des trompettes?
–
Non.
–
Alors appelez-le Sans Tambour
Ni Trompette. »
La réplique est elle-même
empruntée à un bon mot de la fin du XIXe ou du début du XXe – de Sacha
Guitry ? De Jules Renard ? D’Aurélien Scholl ? Je ne sais plus.
« Sans tambour ni trompette » est, quoiqu’il en soit, une expression
qui renvoie à la pudeur, à l’humilité, à la discrétion.
Claude Pujade-Renaud, dans
la nouvelle inaugurale du recueil qu’elle publie en cette rentrée aux éditions
Rhubarbe, nouvelle qui porte ce titre et donne l’intitulé général du livre,
s’amuse de l’expression. Tambour ? Celui de la machine à laver, bien
sûr ! Trompette ? Celle de Louis Armstrong, quelle autre ? Dans
la vie dévastée du personnage féminin de ce texte, au beau milieu d’une
solitude terrible, désolée, le tambour de la machine à laver et la trompette du
jazzman, soudain, s’accordent, suivent le même tempo, se répondent. C’est une
sorte de miracle du quotidien, un instant suspendu de grâce et d’évidence. La
femme dont la vie « tournait en rond », dont la vie semblait
désaccordée, se met soudain à danser, comme libérée, soulagée. Jusqu’à ce que
la magie cesse. Et la femme emploiera son temps vide à tenter de reproduire le
miracle, mais c’est compter sans l’obsolescence programmée de
l’électro-ménager…
Claude Pujade-Renaud est
une de nos grandes nouvellistes. Dans Sans
tambour ni trompette, elle livre cinq nouvelles plus ou moins longues, mais
toutes tendues sur le fil de vies en équilibre. Un confesseur rencogné dans ce
qu’il nomme sa « boîte vocale », un professeur à Vincennes qui
fantasme sur les jambes d’une étudiante tandis que le président de l’Université
est séquestré, une veuve parlant de la perte de l’aimé par le biais de sa compagne
féline… Et ce très court texte qui met en parallèle Clarice Lispector et
Ingeborg Bachmann, victimes toutes deux d’une cigarette qui ramasse les motifs
du symbolique et de l’historique.
Ainsi sont les nouvellistes
français contemporains, que les éditions Rhubarbe défendent et soutiennent,
inlassablement : ils sont tenaces, attentifs aux signes qui échappent à
tout un chacun ; ils pointent leur stylet-stylo sur ce qui fait la vie,
dans son quotidien et sa plus vaste ampleur – sa vérité. Claude Pujade-Renaud
est l’une de ces voix essentielles.