Claude Chanaud, Les Imageries poétiques,
essai
sur l’art des collages, éd. Les
Trompettes Marines, juin 2017, 62 pages.
Si ce sont les plumes qui font le plumage,
ce n’est pas la colle qui fait le collage.
Max Ernst
Ciseaux, papier,
colle, images – ou gravures. Le matériel nécessaire au collage semble relever
de l’univers enfantin. Mais le collage n’est pas un simple jeu, ou amusement. Claude
Chanaud situe cet art « quelque part entre la révolte et le
phantasme ». Le collage a à voir avec le rêve, ou l’inconscient, en tous
cas il révèle autant qu’il dissimule, souligne autant qu’il suggère. Les
surréalistes y ont trouvé un de leurs terrains d’expression les plus
spectaculaires : à l’instar du rêve éveillé, le collage se doit d’être à
la fois maîtrisé et libéré. Ce qu’il montre est, en général, ce qu’il faut
cacher ou taire. L’agencement entre elles d’images qui, prises séparément, sont
anodines, relève souvent de la provocation, et de la dénonciation. Le collage
est une protestation contre les attendus de la bonne société. Il n’y a pas de
collage bien-pensant.
Braque et Picasso,
un peu avant la guerre de 14-18, juxtaposèrent des publicités et des papiers
journaux, ouvrant le chemin à une discipline à part entière que Roger Caillois
définit comme des « rencontres saugrenues d’objets disparates ». Mais
au-delà du saugrenu, le subversif entrait véritablement en scène. Tout au long
du XXe siècle, le collage a prouvé sa force sur le terrain politique. C’est ce
que montre, entre autres, Claude Chanaud dans son essai : faire
l’historique du collage, c’est aussi entrer de plein pied dans l’histoire de la
résistance aux totalitarismes. « Communistes et Nazis au pouvoir ont
désigné les artistes en collage comme étant, parmi d’autres impertinents, de
dangereux déviationnistes. »
Cet essai, très
joliment imprimé et mis en page, offre de nombreuses illustrations, et consacre
une large part à l’artiste Serge Tamagnot. On y trouve aussi quelques
reproductions savoureuses de collages postaux de Claude Chanaud lui-même.
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Addendum : Dans
le cadre des cours que je dispense en Cultures de la Communication, je consacre
régulièrement une séquence au collage, avec applications analogiques et
numériques. Les étudiants, après quelques instants d’euphorie, comprennent très
vite que l’enjeu n’est pas que ludique, qu’il est aussi subversif et
revendicatif.
En illustration : le collage de Cendrine T., étudiante en
BTS Communication cette année.