samedi 17 juin 2017

Les Imageries poétiques de Claude Chanaud

Claude Chanaud, Les Imageries poétiques, essai sur l’art des collages,  éd. Les Trompettes Marines, juin 2017, 62 pages.

  
Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la colle qui fait le collage.
Max Ernst

Ciseaux, papier, colle, images – ou gravures. Le matériel nécessaire au collage semble relever de l’univers enfantin. Mais le collage n’est pas un simple jeu, ou amusement. Claude Chanaud situe cet art « quelque part entre la révolte et le phantasme ». Le collage a à voir avec le rêve, ou l’inconscient, en tous cas il révèle autant qu’il dissimule, souligne autant qu’il suggère. Les surréalistes y ont trouvé un de leurs terrains d’expression les plus spectaculaires : à l’instar du rêve éveillé, le collage se doit d’être à la fois maîtrisé et libéré. Ce qu’il montre est, en général, ce qu’il faut cacher ou taire. L’agencement entre elles d’images qui, prises séparément, sont anodines, relève souvent de la provocation, et de la dénonciation. Le collage est une protestation contre les attendus de la bonne société. Il n’y a pas de collage bien-pensant.

Braque et Picasso, un peu avant la guerre de 14-18, juxtaposèrent des publicités et des papiers journaux, ouvrant le chemin à une discipline à part entière que Roger Caillois définit comme des « rencontres saugrenues d’objets disparates ». Mais au-delà du saugrenu, le subversif entrait véritablement en scène. Tout au long du XXe siècle, le collage a prouvé sa force sur le terrain politique. C’est ce que montre, entre autres, Claude Chanaud dans son essai : faire l’historique du collage, c’est aussi entrer de plein pied dans l’histoire de la résistance aux totalitarismes. « Communistes et Nazis au pouvoir ont désigné les artistes en collage comme étant, parmi d’autres impertinents, de dangereux déviationnistes. »

Cet essai, très joliment imprimé et mis en page, offre de nombreuses illustrations, et consacre une large part à l’artiste Serge Tamagnot. On y trouve aussi quelques reproductions savoureuses de collages postaux de Claude Chanaud lui-même.

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Addendum : Dans le cadre des cours que je dispense en Cultures de la Communication, je consacre régulièrement une séquence au collage, avec applications analogiques et numériques. Les étudiants, après quelques instants d’euphorie, comprennent très vite que l’enjeu n’est pas que ludique, qu’il est aussi subversif et revendicatif.

En illustration : le collage de Cendrine T., étudiante en BTS Communication cette année.