Anne Guéry et Olivier Dussutour, Alphab’art, Les lettres cachées dans l’art, éd. Palette, 2008, 56 pages.
Quelques études récentes
affirment que si l’on ne met pas les pieds dans un musée avant l’âge de 7 ans,
c’est foutu, on n’ira plus jamais de soi-même arpenter les allées du Louvre, du
Prado, ou du MBA de sa ville. Pas sûr… En revanche, et c’est l’évidence même,
montrer aux enfants, très tôt, des œuvres d’art, ça élargit le monde.
Immédiatement. Mais, comment regarder un tableau ? Comment le donner à
regarder ?
Anne Guéry et Olivier
Dussutour choisissent l’alphabet. Regarder les œuvres et traquer les lettres.
Du voir au lire, et à l’écrire. Dans ce magnifique album superbement pensé, on
balaie quelques siècles d’histoire de l’art, et l’on est surpris. Nous, les
adultes. Ce tableau de Mondrian, par exemple, on croyait le connaître. Avait-on
remarqué les intersections des cernes noirs en forme de F ? Et dans ce 14 juillet de Raoul Dufy, comment
avait-on pu éviter le X ? Une veste fermée sur un gilet noir dessine un V
dans le Portrait d’Armand Roulin de
Van Gogh. Dans L’Art de la conversation
de Magritte, cet amas de pierres qui emprunte à Stonhenge, les auteurs
suggèrent de débusquer le R – mais nous, spectateurs autant que lecteurs, nous
y lisons le mot REVE, qui sert de base à l’édifice.
Un J chez Kandinsky, un K
chez Robert Delaunay, le I des pompes à essence chez Hopper, le N à débusquer dans
l’entrelacs des lances de La Bataille de
San Romano de Paolo Ucello… Tout l’alphabet défile, en respectant l’ordre
des lettres, mais en sautant allègrement d’une période picturale à l’autre.
Un vrai bonheur, que cet
album. Qui oblige l’œil – de l’enfant et du parent – à véritablement regarder le
tableau.
Mon préféré : le W de L’Adoration des bergers de Georges de La
Tour.