mercredi 1 octobre 2014

Wakefield de Nathaniel Hawthorne



Nathaniel Hawthorne, Wakefield, nouvelle, 1834, traduction de Marc Logé, éditions du Chemin de fer, collection « Cheval vapeur », 2012, 50 pages.

Un homme sort de chez lui, et n’y reviendra pas. Ou bien y reviendra, mais bien plus tard, des années plus tard. « Je me souviens d’avoir lu, dans quelque vieux magazine ou journal, l’histoire, présentée comme véridique, d’un homme – appelons-le Wakefield – qui s’absenta fort longtemps de chez lui ». Ainsi débute la nouvelle de Nathaniel Hawthorne. L’homme en question pourrait être un Ulysse, parti guerroyer pendant dix ans, puis mettant encore dix ans pour regagner son foyer. Un guerrier, un héros. Mais non. Wakefield est un médiocre, un tout petit monsieur. Qui s’ennuie dans sa petite vie auprès de son épouse, mais qui n’a pas assez de cran pour déployer ses ailes. Il invente un voyage d’affaire, s’éloigne de chez lui pour s’installer… dans la rue voisine. Une bonne partie de sa vie va s’écouler à ne rien faire d’autre que se dissimuler et épier, se déguiser pour ne pas être reconnu et piétiner sur place. Wakefield ne sait que faire d’une liberté encombrante.

La nouvelle d’Hawthorne n’est pas un texte de fiction, mais plutôt un texte de réflexion prenant appui sur un vieux fait divers, un prétexte à s’interroger sur la marche de la société et un pan de la psyché humaine.

Les éditions du Chemin de fer proposent le texte de Wakefield en traduction française et en version originale, ainsi que l’article qui a sans doute inspiré Hawthorne. Le graphisme a été confié à deux étudiants en master « design » de l’école des beaux-arts de Lyon, Fabrice Mabime et Léna Araguas. Les deux graphistes ont choisi le vert comme couleur dominante de la couverture et des premières pages intérieures – qui zooment sur le plan de la ville, du quartier, de la rue – et une typographie qui, au fur et à mesure que le lecteur entre dans les méandres d’un comportement inexplicable, s’orne de ligatures qui évoquent les circonvolutions cérébrales. Le texte original, en anglais, vient s’encastrer dans les dernières pages de la traduction. L’article originel est imprimé en noir sur vert, renvoyant aux pages vertes d’ouverture : les plans.

Ce mince ouvrage, magnifiquement composé et pensé, permet de – oblige à – repenser le texte de Nathaniel Hawthorne sous un angle contemporain. C’est là la force du graphisme, et son parti pris, radical. Une réussite.
 

  

NB : dans la même collection « Cheval vapeur », les éditions du Chemin de fer proposent également l’ouvrage de Jacques Rivière Introduction à une métaphysique du rêve.