Nathaniel Hawthorne, Wakefield, nouvelle,
1834, traduction de Marc Logé, éditions du Chemin de fer, collection
« Cheval vapeur », 2012, 50 pages.
Un homme sort de chez lui,
et n’y reviendra pas. Ou bien y reviendra, mais bien plus tard, des années plus
tard. « Je me souviens d’avoir lu, dans quelque vieux magazine ou journal,
l’histoire, présentée comme véridique, d’un homme – appelons-le Wakefield – qui
s’absenta fort longtemps de chez lui ». Ainsi débute la nouvelle de
Nathaniel Hawthorne. L’homme en question pourrait être un Ulysse, parti guerroyer pendant dix ans, puis mettant encore dix ans pour regagner son foyer. Un
guerrier, un héros. Mais non. Wakefield est un médiocre, un tout petit
monsieur. Qui s’ennuie dans sa petite vie auprès de son épouse, mais qui n’a
pas assez de cran pour déployer ses ailes. Il invente un voyage d’affaire,
s’éloigne de chez lui pour s’installer… dans la rue voisine. Une bonne partie
de sa vie va s’écouler à ne rien faire d’autre que se dissimuler et épier, se
déguiser pour ne pas être reconnu et piétiner sur place. Wakefield ne sait que
faire d’une liberté encombrante.
La nouvelle d’Hawthorne n’est pas un texte de
fiction, mais plutôt un texte de réflexion prenant appui sur un vieux fait
divers, un prétexte à s’interroger sur la marche de la société et un pan de la
psyché humaine.
Les éditions du Chemin de
fer proposent le texte de Wakefield en traduction française et en version
originale, ainsi que l’article qui a sans doute inspiré Hawthorne. Le graphisme
a été confié à deux étudiants en master « design » de l’école des
beaux-arts de Lyon, Fabrice Mabime et Léna Araguas. Les deux graphistes ont
choisi le vert comme couleur dominante de la couverture et des premières pages
intérieures – qui zooment sur le plan de la ville, du quartier, de la rue – et
une typographie qui, au fur et à mesure que le lecteur entre dans les méandres
d’un comportement inexplicable, s’orne de ligatures qui évoquent les
circonvolutions cérébrales. Le texte original, en anglais, vient s’encastrer
dans les dernières pages de la traduction. L’article originel est imprimé en
noir sur vert, renvoyant aux pages vertes d’ouverture : les plans.
Ce mince ouvrage,
magnifiquement composé et pensé, permet de – oblige à – repenser le texte de
Nathaniel Hawthorne sous un angle contemporain. C’est là la force du graphisme,
et son parti pris, radical. Une réussite.
NB : dans la même
collection « Cheval vapeur », les éditions du Chemin de fer proposent
également l’ouvrage de Jacques Rivière Introduction
à une métaphysique du rêve.