Robert Galbraith (J.K. Rowling), Le Ver à soie (The silkworm), traduit de l’anglais par Florianne Vidal, Grasset,
15 octobre 2014, 576 pages.
Après L’Appel du coucou, nous retrouvons le détective Cormoran Strike et
son assistante Robin pour une nouvelle enquête londonienne. L’écrivain Owen
Quine a disparu. Son épouse, Leonora, demande à Strike de le retrouver. Strike
est ému par la femme de l’écrivain, et il accepte l’enquête, bien qu’il soit
débordé. Lorsque Quine est retrouvé assassiné dans des conditions atroces, les
suspects sont nombreux. Il faut dire que Quine a laissé un manuscrit sulfureux,
Bombyx mori, dans lequel il s’en
prend à tout son entourage : sa femme, sa fille, sa maîtresse, ses amis ou
collègues romanciers, ses éditeurs, son agent… Un « fatras amphigourique
et souvent obscène » qui apparaît comme un mobile parfait de meurtre.
J.K. Rowling s’amuse
visiblement beaucoup à décrire le monde de l’édition. Les personnages sont détestables
à souhait, et parmi eux émergent les figures de Liz Tassel, agent littéraire
tyrannique, et de Michael Fancourt, romancier très sûr de son talent.
L’enquête est sinueuse, captivante, et le dénouement surprenant, comme il se
doit.
Mais le plus intéressant,
dans Le Ver à soie, c’est l’évolution
des relations entre Strike et Robin. L’assistante est à la veille de son
mariage avec Matthew, tandis que le détective apprend que la femme qui a
partagé chaotiquement sa vie durant seize années va convoler avec un autre que
lui. Il neige sur Londres et toute l’Angleterre. Cormoran est unijambiste, son
moignon le fait souffrir, sa prothèse le blesse. Robin le soutient sur les
trottoirs glissants. Tous les deux forment un duo parfait, mais ne sont pas un
couple. Ils restent distants, sans aucun marivaudage, sans ambigüité. Du moins
pour l’instant… On peut raisonnablement penser que, comme Sara Sidl et Gil
Grissom ou Richard Castle et Kate Beckett, dans CSI Vegas et Castle,
l’évolution des sentiments et situations des deux enquêteurs est l’
« arche » qui surplombe la série des romans policiers de J.K.
Rowling. On lit Le Ver à soie en s’intéressant à la résolution de l’énigme,
bien sûr. Mais on grille de savoir comment évolueront les relations entre
Cormoran, le géant boiteux, et Robin, la blonde cuivrée futée et intrépide,
dans le prochain épisode !
J.K. Rowling fait ici,
encore une fois, montre de son talent de conteuse et de créatrice d’un monde
romanesque. Les personnages sont à la fois vraisemblables et fictionnels –
mention spéciale à Orlando, la fille de Quine, et à Pippa –, les décors sont
typiques, traités sur un mode parfois railleur. On boit et on mange beaucoup
dans Le Ver à soie, on suit Cormoran
Strike de pubs traditionnels en restaurants branchés et clubs très fermés. La
famille est en contrepoint, lointaine mais présente : les Cornouailles
pour Cormoran, le North Yorkshire pour Robin. Quant au titre, Le Ver à soie, qui renvoie au titre du
manuscrit de Quine, Bombyx Mori, on
laisse au lecteur la découverte de la métaphore…
*
Extrait :
Elle leva les yeux en apercevant une ombre dans le
rétroviseur. Tout de sombre vêtu, Strike progressait laborieusement vers la
Toyota. Elle vit les béquilles et la jambe droite de son pantalon retroussée,
fixée par une épingle.
Robin ressentit comme un vertige au creux du ventre
– pas à cause de la jambe amputée, qu’elle avait déjà vue et dans des
circonstances plus troublantes, mais parce qu’à sa connaissance, c’était la
première fois qu’il sortait sans prothèse.
Quand elle descendit de voiture pour l’aider, le
regard noir qu’il lui décocha lui fit aussitôt regretter son geste. (p.307)