mardi 19 janvier 2021

Entretien avec Georges-Olivier Châteaureynaud

A cause de l’éternité : Entretien-fleuve avec Georges-Olivier Châteaureynaud

A l’occasion de la parution de son dernier roman, l’écrivain livre des fabuleuses clefs de lecture du diptyque dont, après L’Autre rive (Grasset, 2007), A cause de l’éternité (Grasset, 2021) constitue la seconde époque. 


Christine Bini : Sur la quatrième de couverture de votre dernier roman, A cause de l’éternité, on peut lire : « L’imaginaire qui se déploie dans ce roman-monde n’a pas d’équivalent dans la littérature française contemporaine. » Êtes-vous d’accord avec cette qualification de « roman-monde » ? Plus que le politique et le social, l’économique et l’historique, il semble que votre préoccupation première dans vos romans et nouvelles soit le fait même d’exister, de naître, vivre et mourir. Vos personnages, ici, évoluent sur les bords du Styx, et Charon est une silhouette familière du décor que vous érigez.

Georges-Olivier Châteaureynaud : Dans le principe, tout romancier tente de substituer au monde objectif (si tant est qu’il existe quoi que ce soit de semblable…) un « monde à lui » supposé exprimer sa perception des choses. Ce « monde à lui » peut être très proche de la perception commune. Le diptyque dont, après L’Autre rive, A cause de l’éternité constitue la seconde époque, en diffère notablement. L’action se déroule à l’époque moderne, mais à Ecorcheville, au bord du fleuve des morts. Cette région présente la particularité que l’esclavage n’y a jamais été aboli. D’autre part, la proximité relative des Enfers entraîne des précipitations insolites (pluies d’animaux et d’insectes divers) ainsi que l’échouage occasionnel de créatures venues de l’autre rive (centaure, sirène, satyre, minotaure…). En dehors de ça, la société locale n’est pas sans ressembler à la nôtre, par les inégalités de naissance et de fortune qu’elle présente. Quelques grandes familles monopolisent richesse et pouvoir, les personnages en sont issus ou gravitent autour d’elles, mais il est vrai que ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel se résume à une question à laquelle il est bien entendu impossible, impensable, de répondre avec certitude et qui pourrait se formuler tout platement ainsi : « Qu’est-ce qu’on fait là? ». Là : au monde, individuellement, pour si peu de temps. Qu’est-ce que je fais là, sous le ciel ? Il s’agit donc, avec A cause de l’éternité, d’un « roman-monde à moi » où tend à s’exprimer mon effarement d’être né… et de devoir mourir un jour.

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