Laurent Nunez, L’Enigme des premières phrases, éd. Grasset, collection « Le Courage », mars
2017, 200 pages.
L’analyse de texte
est un sport de combat, dont le texte sort toujours vainqueur. Le bon texte. Ce
qu’il y a de jouissif à analyser un mauvais texte, Laurent Nunez nous le montre
également dans son brillant essai
L’Enigme des premières phrases. Mais en premier lieu, c’est sur des chefs
d’œuvre qu’il se penche, sans prendre grand risque, pourrait-on penser. Eh bien,
c’est tout le contraire : en décortiquant les incipit de L’Etranger, Zazie dans le métro, Bouvard et Pécuchet ou A la recherche du temps perdu, entre
autres, Nunez ouvre tout un monde de lecture et de sensibilité, de
compréhension et d’intuition. Ce que l’analyse de texte, mot par mot, peut
avoir de fastidieux – tout étudiant en littérature est passé par cet exercice
convenu – est transmuté par Nunez de façon érudite, malicieuse et magique, en
exercice jubilatoire. Oui, magique. Imaginez que l’on vous explique un tableau,
Le Verrou de Fragonard, par exemple,
en se focalisant uniquement sur le drapé du creux de l’oreiller, et que l’on
vous démontre, preuve de l’oreiller à l’appui, que ce que vous voyez n’est pas
ce que vous aviez compris – vous pensiez la scène libertine, on vous démontre
un viol. A partir des premières phrases de textes célèbres, Laurent Nunez
remet de la perspective là où le lecteur lit, en général, à plat.