Brigitte Aubonnet, Violences, nouvelles,
éd. Le Bruit des autres, mai 2014, 176 pages.
Brigitte Aubonnet les met
au pluriel, les violences. En sept nouvelles denses, elle écrit au présent des
histoires de notre présent violent. Mais il n’est pas question de sang, de
meurtre, d’agression. Enfin, si, mais de manière plus subtile, et plus
angoissante. Il s’agit de frôler au plus près ce que notre société du quotidien
dérègle dans les actions et réactions de chacun.
Les femmes entre elles, par
exemple. Deux amies partagent un temps de vacances et découvrent au fin fond du
désert, dans ce qui aurait dû être un interlude de calme et de sérénité, que les
bassesses de la vie de bureau ressurgissent. Vacances gâchées, mais prise de
conscience. Deux amies, encore, elles aussi en vacances, Laurence et Muriel,
tombent dans un « Piège » : « Monique et Georges sont
charmants, à la limite du trop… ». Une fille et sa mère, la fille honteuse,
la mère sur la voie de la déchéance ; et leur destin suivant une course
inverse, ascendante pour l’une, terrifiante pour l’autre. Comment se
réconcilier ?
Il y a, chez Brigitte
Aubonnet, une attention portée à l’humain broyé par la grande machinerie de
l’inéluctable. Les petites vies évoquées dans ses nouvelles acquièrent une
valeur dans le sursaut. Dans le texte intitulé « Les Boutons », deux
femmes, là encore, se trouvent. On serait tenté de dire : se trouvent enfin. La vieillesse et la solitude – la
solitude de la vieillesse – ne sont plus des freins à la rencontre. C’est le
lien solidaire, soudain accepté et reconnu, qui remodèle un schéma écrit
d’avance, croyait-on. Les paysages de chaleur – le pourtour méditerranéen, sur
l’une ou l’autre rive, la française ou la maghrébine – brûlent d’élans entravés
et finalement acceptés. C’est l’ouvrier marocain parti travailler en France et
qui rentre au pays après quinze ans d’exil, parce qu’il faut se marier. « Les
youyous éclatent. C’est la fête. Le soleil écrase. La famille aussi ».
C’est une jeune Algérienne qui correspond avec un prisonnier et partage avec
lui son amour pour la peinture de Monnet, et qui doit cesser sa correspondance
parce que son ami n’est pas d’accord, « est entré dans une colère
terrible ». Elle ajoute « J’ai cru qu’il allait me frapper. Il n’a
pas osé, heureusement, mais il m’a dit des choses horribles ». Elle est
là, la violence. Pas dans les coups, mais dans l’éventualité des coups. Et dans
les blessures infligées au détour d’une conversation, à un carrefour où gît une
SDF, dans une montre offerte. Entre autres.
L’écriture de Brigitte
Aubonnet est rapide, presque lapidaire. Un coup de fouet à chaque phrase.
« La beauté. L’émerveillement. Les pas, les pensées. Peu de
paroles ». Ou encore, ailleurs : « Elle travaille sur les
marchés chaque week-end pour son autonomie ». C’est là une écriture
d’évidence, sans emberlificotage. Une écriture qui colle au sujet et aux
personnages. Une urgence dans le constat. Un soin empathique à modeler sa
phrase. Violences est le recueil d’un
écrivain sensible.