Regards croisés
Un livre, deux lectures – avec Virginie Neufville
Fred Vargas, Sur la dalle, éd. Flammarion, mai 2023, 512 p.
Nous sommes en Bretagne, donc. Au XXIe siècle, si l’on veut. Dans le village où l’équipe d’Adamsberg est occupée à traquer un serial killer, on croise le sosie de Chateaubriand. Ce personnage est un descendant de l’écrivain, et la ressemblance est si frappante qu’il est une sorte de gloire locale que les touristes viennent photographier. Le seul endroit où on le laisse tranquille, c’est dans l’auberge, auberge qui sert de quartier général à l’équipe d’Adamsberg, et où l’on sert, évidemment, du chouchen et du cidre.
Nous sommes en Bretagne, donc. Au XXIe siècle, si l’on veut. Les habitants du village se déchirent sur des superstitions : les ombreux et les ombristes, par exemple, les uns croyant que marcher sur leur ombre porte malheur et les autres s’ingéniant à piétiner les ombres des premiers. On fait référence aussi à un Américain superstitieux qui ne voulait pas voyager un vendredi 13, ni rédiger son testament par peur de mourir d’avoir testé. Et puis il y a cette histoire de fantôme boiteux, celui du château de Combourg, Chateaubriand oblige. Et puis il y a un bossu. Et puis il y a des puces sur les cadavres des victimes. Voilà tout l’univers de Vargas ramassé dans une intrigue.
Pour une fois, Adamsberg a une méthode d’investigation. Sa hiérarchie lui donne tous les moyens qu’il veut, et dans le village breton c’est une bonne cinquantaine de policiers qui opèrent. Porte-à-porte, barrages sur les routes, surveillances de nuit, rien que du traditionnel sans âge. Seul le lieutenant Mercadet opère dans la sphère contemporaine, avec son ordinateur. De l’intrigue en elle-même, je ne dirai rien, elle va son petit bonhomme de chemin. Bien entendu, c’est grâce aux rêveries d’Adamsberg qu’elle sera vraiment résolue.
Le titre est trompeur. « La dalle », de nos jours, renvoie plutôt aux banlieues et aux grands ensembles bétonnés. La dalle de Vargas, et d’Adamsberg, est la table d’un dolmen, dolmen sur lequel le commissaire va s’allonger afin de laisser son esprit divaguer. Un dolmen, bien entendu, puisque nous sommes en Bretagne.
Je m’interroge sur ma lecture. Je ne sais pas ce que j’attendais de ce nouveau roman de Fred Vargas. Disons que je ne suis pas déçue. Mais que je ne suis pas, non plus, « déçue en bien ». Aucune véritable surprise, à part peut-être une incursion dans le grand-banditisme, aucune fausse note, un ronronnement paisible, quoi. Mes deux Vargas préférés restent L’Homme aux cercles bleus, et Un peu plus loin sur la droite. Deux romans des débuts. Sans doute parce que depuis ces deux découvertes, je n’ai plus été surprise, ni secouée.
Lire l’article de Virginie Neufville sur son blog Fragments de lecture