Yann
Moix, Orléans, éd. Grasset, 21 août
2019, 272 pages.
Orléans n’est pas
une ville. C’est le lieu du massacre des innocents. Dans le terrible et
magnifique récit que Yann Moix publie en cette rentrée, la ville tient, au
fond, très peu de place. C’est la province, endormie, engoncée, celle des
années 70-80, mais elle est comme hors du temps. On est en milieu
bourgeois : le père est médecin, la mère au foyer, mais ce mot de
« foyer », qui devrait évoquer la douceur et la chaleur, est ici
synonyme d’enfer. C’est le foyer du diable, et Orléans la capitale de la
douleur.
Il y a quelques
années, Moix publiait un roman-monstre, baroquissime, intitulé Naissance. Il y mettait en musique son
enfance – entendons par là que le roman était une sorte d’opéra-bouffe dans
lequel l’hyperbole et l’invraisemblable enserraient comme dans une gangue la
vérité la plus prégnante : celle de l’enfant battu. Si Naissance est la mise en scène
hallucinée de la vérité, Orléans est le
récit organisé des années d’école, de collège, de lycée et de classe
préparatoire. Un roman, donc. Structuré au cordeau, conçu comme en
miroir : deux parties égales, intitulées « Dedans » et
« Dehors », avec les mêmes en-têtes de chapitres pour les deux
parties, reprenant simplement – non, ce n’est pas simple, c’est plutôt fracassant
d’exactitude – les niveaux des classes. On balaie ainsi le spectre complet de
la scolarité, de la Maternelle aux Mathématiques Spéciales, par deux fois, dans
l’ordre. Cet ordre-là, bien ordonné, stable, immuable, a quelque chose de
rassurant. On est un enfant, puis un adolescent, puis un jeune homme. Et l’on
est à Orléans. Et l’on vit chez ses parents. Et l’on va à l’école.