lundi 19 novembre 2018

C’est écrit sur ses lèvres de Brigitte Aubonnet


Brigitte Aubonnet, C’est écrit sur ses lèvres, éd. Le Muscadier, octobre 2018, 80 pages.

Brigitte Aubonnet est écrivain, et orthophoniste spécialisée dans la surdité. Réunissant les deux cordes de son arc, elle publie un roman pour adolescents dont les deux héros sont sourds. La narratrice Valériane et son copain Ludo sont confrontés à leur surdité de deux manières différentes. Leurs parents, en effet, ont opté pour deux solutions : l’appareillage et l’implantation pour la jeune fille, l’apprentissage de la langue des signes pour le jeune homme. Ce qui induit deux scolarisation distinctes : un lycée « normal » pour elle, un établissement spécialisé pour lui. L’amour va réunir les deux adolescents.

La surdité, affrontée de deux manières, n’est pas un obstacle dans l’amour des jeunes gens. L’obstacle principal est représenté par les parents, qui ont tendance à surprotéger leurs enfants, et leur laissent peu d’autonomie. D’autant plus que les parents de Valériane, et ceux de Ludo, ne s’entendent pas du tout, chaque couple étant persuadé d’avoir choisi la meilleure solution pour son enfant. Le texte revient souvent sur ce verbe « entendre », ou « s’entendre », qui prend bien d’autres significations que le simple rapport à la surdité.

Ce roman est une histoire d’amour entre deux ados, avec les empêchements de toutes les histoires d’amour entre ados, mais histoire renforcée, exacerbée, par leur surdité, qui n’est jamais considérée comme une différence handicapante. Les difficultés des enfants sourds ne sont pas énumérées mais mises en place de façon fluide dans le texte : par exemple, les contrariétés lors des soirées pyjamas, quand il s’agit de discuter entre copines dans le noir, et qu’on ne peut plus lire sur les lèvres.

Brigitte Aubonnet maîtrise son sujet. En tant que thérapeute, et en tant qu’écrivain. Elle balaie le spectre des difficultés auxquelles sont confrontés ses jeunes héros, et détaille les solutions apportées. Elle met en place des péripéties auxquelles pourraient être confrontés tous les ados, finalement : découverte de la sexualité, rendez-vous cachés, etc. Valériane et Ludo sont, au fond, des ados comme les autres, portés par une force supplémentaire qui les rend solaires et conquérants.

Un roman qui s’adresse aux ados, bien sûr, à tous les ados, mais aussi à toute personne confrontée à la surdité, dans sa vie personnelle ou professionnelle.

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NB : que l’on me permette ici une incise personnelle. Dans ma carrière de prof, j’ai eu dans mes effectifs une élève sourde, appareillée et implantée. Elle ne portait pas de prothèses bigarrées comme la Valériane du roman, mais comme Valériane elle était très à l’aise dans un cursus de lycée. Elle m’avait simplement expliqué que je devais éviter de parler en tournant le dos à la classe – elle ne disait pas en « me » tournant le dos – et j’accrochais à chaque début de cours un petit micro en forme de broche sur mon tee-shirt. Le roman de Brigitte Aubonnet a réactivé ce souvenir, datant d’une vingtaine d’années.