Brigitte Aubonnet, C’est écrit sur ses lèvres,
éd. Le Muscadier, octobre 2018, 80 pages.
Brigitte Aubonnet
est écrivain, et orthophoniste spécialisée dans la surdité. Réunissant les deux
cordes de son arc, elle publie un roman pour adolescents dont les deux héros
sont sourds. La narratrice Valériane et son copain Ludo sont confrontés à leur
surdité de deux manières différentes. Leurs parents, en effet, ont opté pour
deux solutions : l’appareillage et l’implantation pour la jeune fille,
l’apprentissage de la langue des signes pour le jeune homme. Ce qui induit deux
scolarisation distinctes : un lycée « normal » pour elle, un
établissement spécialisé pour lui. L’amour va réunir les deux adolescents.
La surdité, affrontée
de deux manières, n’est pas un obstacle dans l’amour des jeunes gens.
L’obstacle principal est représenté par les parents, qui ont tendance à
surprotéger leurs enfants, et leur laissent peu d’autonomie. D’autant plus que
les parents de Valériane, et ceux de Ludo, ne s’entendent pas du tout, chaque
couple étant persuadé d’avoir choisi la meilleure solution pour son enfant. Le
texte revient souvent sur ce verbe « entendre », ou « s’entendre »,
qui prend bien d’autres significations que le simple rapport à la surdité.
Ce roman est une
histoire d’amour entre deux ados, avec les empêchements de toutes les histoires
d’amour entre ados, mais histoire renforcée, exacerbée, par leur surdité, qui
n’est jamais considérée comme une différence handicapante. Les difficultés des
enfants sourds ne sont pas énumérées mais mises en place de façon fluide dans
le texte : par exemple, les contrariétés lors des soirées pyjamas, quand
il s’agit de discuter entre copines dans le noir, et qu’on ne peut plus lire
sur les lèvres.
Brigitte Aubonnet
maîtrise son sujet. En tant que thérapeute, et en tant qu’écrivain. Elle balaie
le spectre des difficultés auxquelles sont confrontés ses jeunes héros, et
détaille les solutions apportées. Elle met en place des péripéties auxquelles
pourraient être confrontés tous les ados, finalement : découverte de la
sexualité, rendez-vous cachés, etc. Valériane et Ludo sont, au fond, des ados
comme les autres, portés par une force supplémentaire qui les rend solaires et
conquérants.
Un roman qui
s’adresse aux ados, bien sûr, à tous les ados, mais aussi à toute personne
confrontée à la surdité, dans sa vie personnelle ou professionnelle.
*
NB : que l’on
me permette ici une incise personnelle. Dans ma carrière de prof, j’ai eu dans
mes effectifs une élève sourde, appareillée et implantée. Elle ne portait pas
de prothèses bigarrées comme la Valériane du roman, mais comme Valériane elle était
très à l’aise dans un cursus de lycée. Elle m’avait simplement expliqué que je
devais éviter de parler en tournant le dos à la classe – elle ne disait pas en « me »
tournant le dos – et j’accrochais à chaque début de cours un petit micro
en forme de broche sur mon tee-shirt. Le roman de Brigitte Aubonnet a réactivé
ce souvenir, datant d’une vingtaine d’années.