Big little lies, série TV, réalisation Jean-Marc Vallée,
scénario David E. Kelley d’après le roman de Liane Moriarty, HBO, 2017.
* NO SPOILER *
Sur les rayonnages
« séries-DVD » de la petite médiathèque que je hante, j’ai toujours
trouvé de très belles surprises. J’y ai découvert dernièrement, par exemple, The Americans, et pas plus tard que la
semaine dernière Big little lies,
dont je n’avais jamais entendu parler.
La série est
l’adaptation, très fidèle semble-t-il, du roman de Liane Moriarty Petits secrets, grands mensonges (Albin
Michel), à côté duquel j’étais passée, ce qui n’a rien de surprenant, je ne
suis pas dans la cible. Et l’argument marketing de l’éditeur avait, de toutes
façons, de quoi me faire fuir : « Lire Liane Moriarty, c’est un peu comme
déguster un Cosmopolitan relevé d’un doigt d’arsenic. » Les arguments de
promotion mis en avant pour la série TV n’ont rien d’original, on y fait
référence à Desperate Housewives, on
y parle d’amitié entre mères de famille, de communauté de quartier et de fêtes
d’école, de rivalités entre femmes oisives et aisées. Mouais.
Après visionnage
des 7 épisodes, je reste encore le souffle court. Voilà une série remarquable
en tous points. Casting impeccable - Reese Witherspoon, Nicole Kidman, Shailene
Woodley, Zoë Kravitz, Laura Dern, pour ne citer que les rôles féminins,
prépondérants –, mise en scène formidable, bande son travaillée, suspense… Et
par-dessus tout cela, l’océan magnifié, filmé comme un personnage à part
entière.
Nous sommes à
Monterey, en Californie. Ville touristique de 30 000 habitants à peu près qui a
pour particularité d’abriter une école publique digne des meilleures écoles
privées. On connaît le système scolaire américain… Le premier jour de l’entrée
des enfants en CP (je reprends là la dénomination française, mais enfin, c’est
l’idée, la classe qui enchaîne après les années de maternelle, les enfants ont
5-6 ans), Madeline et Celeste prennent sous leur aile Jane, une jeune mère
célibataire tout récemment installée dans la ville. Leurs enfants sont dans la
même classe. En ce premier jour d’école – qui est en fait une journée
d’intégration – une petite fille est agressée par un petit garçon, et elle
désigne le fils de Jane comme son agresseur. Le premier épisode de la série met
en place les personnages et annonce aussi ce qui se produira six mois plus
tard, lors de la fête de l’école : quelqu’un va mourir.
Le spectateur ne
sait pas qui est la victime, et il ne l’apprendra qu’à la toute fin du dernier
épisode. Est-ce un homme, une femme ? L’agression de la petite fille
a-t-elle à voir avec le meurtre final ? La police parle de meurtre, mais
ne s’agit-il pas plutôt d’un accident ? Ou de légitime défense ? Tout
tourne autour de cinq foyers, liés par les liens du sang ou de l’amitié
indéfectible. Liés aussi, si l’on peut dire, par des silences qui ne sont pas
des mensonges, et des secrets qui font mal.
Rien n’est lisse
dans la vie de tout un chacun, à Monterey. Les thèmes déployés dans la série sont
violents, à des degrés divers : rivalité entre mère et belle-mère,
adultère douloureux, peur de l’atavisme, violences conjugales, a priori de
classe, viol. La fête de l’école est un bal masqué – le thème est « Elvis
et Audrey » – où chacun et chacune vient pousser la chansonnette au micro
devant les autres parents d’élèves en portant le masque du glamour. Sous ces
masques-là, les vérités sont dites enfin, et un pacte se lie entre les ennemies
d’hier.
Les cinq
personnages de femmes sont tous ambivalents, et dévoilent des faiblesses, des
violences ou des sursauts extraordinaires. Impossible de ne pas les aimer. Les
hommes sont des personnages secondaires nuancés, à une exception près. Ils sont
tous, à des degrés divers, exemplaires dans leur emploi. Mais la pierre de
touche de la série, c’est bien l’océan. Omniprésent, objet de contemplation
pour Madeline – à sa fille Chloé qui lui demande si sous les vagues se cachent
des monstres, elle répond que des rêves peuvent aussi s'y cacher –, métaphore de la
violence pour Jane, terrain de jeu pour les enfants, il est filmé par Jean-Marc
Vallée comme une force rédemptrice. C’est son cœur battant que l’on entend dans
les scènes de violence les plus dures, et cette musique-là n’est pas
ambiguë : elle anticipe sur la scène finale, des femmes et quelques
enfants qui s’en sortent, réconciliés.
Big little lies n’a
que peu à voir avec Desperate Housewives.
La mise en scène place la série au-delà des péripéties des 180 épisodes se
déroulant à Wisteria Lane. Les sept épisodes de Big little lies condensent à eux seuls les vues sur le mariage, l’amour,
la maternité, le travail ou l’oisiveté des femmes, la place des hommes et celle
des enfants, les rapports sociaux et les rapports de classe, les préjugés et
les attendus. Une saison 2 est annoncée, pas sûr qu’elle soit nécessaire.