Bruno de Stabenrath, L’Ami impossible, éd. Gallimard, octobre 2020, 528 p.
Tuer les siens, c’est le geste tragique par excellence. Être tué par son père ou son époux, la plus épouvantable des morts. On peut – on devrait – penser : l’assassin, on s’en fout. C’est un monstre, voilà. Surtout s’il a prémédité son acte, agi froidement, en pleine conscience. Notre compassion n’est due qu’aux victimes. Tuer les siens, c’est aussi interroger l’idée même d’humanité. Polti, dans son catalogue des 36 situations dramatiques, inclut à l’entrée 23 : « Devoir sacrifier les siens ». Devoir ? On imagine là un impératif inévitable, pour un idéal que l’on ne maîtrise pas. Les mythes antiques traitant du thème – Cronos, Médée, par exemple, assassins, ou Iphigénie, victime – disent quelque chose de nous, caché, quelque chose qui tient de la marche de la cité et des sentiments exacerbés. Les faits divers contemporains nous frappent, paradoxalement, plus intensément. Sans doute parce que les motivations sont triviales. On se souvient de l’affaire Romand : un homme tue son épouse, ses enfants, ses parents, après avoir menti pendant des années sur sa situation professionnelle et financière. Emmanuel Carrère en a fait un livre, Nicole Garcia et Laurent Cantet deux films.
L’affaire Xavier Dupont de Ligonnès nous frappe d’autant plus que l’assassin, contrairement à Romand, n’a pas été arrêté. C’est l’assassin envolé, l’homme le plus recherché de France. Bruno de Stabenrath connaît Xavier de Ligonnès. Ou plutôt, il l’a connu...
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