mardi 13 octobre 2020

La Femme-Ecrevisse d’Oriane Jeancourt-Galignani

Oriane Jeancourt-Galignani, La Femme-Ecrevisse, éd. Grasset, coll. Le Courage, 2 septembre 2020, 400 p.



En 1934 René Magritte peint un étonnant hybride, une femme-poisson. L’Invention collective est le titre qu’il donne à son tableau. La créature est l’inverse exact de la sirène des contes et des mythologies : le buste est animal, et le bas du corps, à partir de la taille, féminin. La sirène montre ici son sexe et n’a pas de poitrine, ni de bras. Oriane Jeancourt-Galignani imagine une gravure qui représenterait une femme-écrevisse, selon le même ordre que Magritte : tête animale et corps féminin. Mais la femme-poisson de Magritte est échouée sur le rivage, alors que la femme-écrevisse de Jeancourt-Galignani danse dans un paysage champêtre. L’une est morte, ou agonise, l’autre bouge en cadence, bien vivante. Le tableau surréaliste est déconcertant, référentiel, il inspire la surprise tout autant que le dégoût. La gravure, elle, est mystérieuse, on y devine un symbolisme moins sexuel que psychique, capable d’émouvoir hommes et femmes à la fois. La femme-poisson de Magritte surgit à l’évidence de la mer, ou de l’océan, c’est-à-dire de l’eau salée, tandis que la femme-écrevisse évoque le ruisseau ou la rivière, l’eau douce. Mais, comme il s’agit d’une gravure, elle surgit surtout d’un bain d’acide, d’une eau forte. Eau douce/eau forte. Il faut sans doute aller chercher du côté de cette opposition-là pour comprendre l’émotion qui naît à la lecture de ce roman.

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