Antti Tuomainen, Derniers mètres jusqu’au cimetière (Mies
joka kuoli, 2016), traduit du finnois par Alexandre André, éd. Fleuve,
février 2019.
Jaakko et son
épouse ont fondé une entreprise de cueillette et d’exportation de champignons. Dans
les forêts finlandaises pousse le matsutake, ou champignon des pins, très prisé
des Japonais. L’entreprise est prospère, mais le roman débute sur deux problèmes
majeurs : un concurrent vient de s’installer dans la petite ville, et le
médecin apprend à Jaakko que quelqu’un est en train de l’empoisonner, avec des
champignons, justement. Jaakko va mourir. Il est trop tard pour tenter un
quelconque traitement. Voilà un roman extraordinairement tonique, basé sur la
trahison et la mort annoncée du narrateur. Un polar passablement déjanté, écrit
sur le ton alerte d’un humour plus que noir. Un régal.
Jaakko a déjà été
assassiné, la mort est en marche dans ses organes. Lorsqu’il découvre, en
revenant de chez le médecin, que sa femme le trompe avec le chauffeur de
l’entreprise, il est persuadé que c’est elle qui l’empoisonne. Dès lors, il
glisse sur la pente inéluctable du hasard et de la prise de conscience. Jaakko
se retrouve mêlé à deux morts dont il est l’instigateur candide, il regarde son
monde d’un œil à la fois neuf et dessillé. Entre loufoquerie et réflexion sur
la vie et la mort, le roman avance à grande vitesse.
La Finlande est
aussi un pays chaud. Jaakko, dont le corps se délite à tout-va, dévore des
glaces sur la place ronde du marché, sa chemise collée à son dos par la
transpiration. Il a décidé de se nourrir des aliments les plus sucrés pour
puiser un semblant d’énergie. Et de l’énergie, soudain, il en a à revendre, il
se découvre même amoureux, et tente à tout moment de rentrer son ventre pour
paraître plus svelte. Jaakko est un personnage absolument craquant, tendre et perdu.
Son épouse Taina a tout de la femme machiavélique, et son amant tout du bellâtre
un peu limité. Mais… chut !
Les dialogues de
Antti Tuamainen font mouche à chaque fois. Derniers
mètres jusqu’au cimetière est écrit dans une langue tonique où l’humour le
dispute parfois au non-sens. La traduction d’Alexandre André, le traducteur
habituel de l’auteur Finlandais, est rudement bien tournée. Voilà un polar
nordique qui nous entraîne sous la canicule finlandaise, dont l’enquêteur est
aussi la victime annoncée dès le premier chapitre intitulé « la
mort », où les méchants sont rigolos et les flics très sympathiques. Ce
roman joue en permanence sur le contre-pied, et c’est délicieux. Une comédie
noire à l’humour désespéré, à savourer en mangeant des glaces, mais pas des
champignons !