mardi 7 juin 2016

Surprise 17 – REVƎЯ de Franck Thilliez



Franck Thilliez, REVƎЯ, éd. Fleuve noir, 26 mai 2016, 600 pages.

Le personnage principal s’appelle Abigaël, elle est psychologue et criminologue. Sa faille : elle est atteinte de narcolepsie, et s’endort tout d’un coup, au beau milieu d’une conversation ou au volant de sa voiture. Elle est soignée avec du Propydol, qui n’est rien d’autre que le GHB, la drogue des violeurs. Certes, les crises s’espacent grâce au traitement mais en contrepartie, Abigaël perd la mémoire. Des pans entiers de ses souvenirs d’enfance ont disparu, et il lui arrive de ne plus savoir ce qu’elle a fait la veille. Lorsqu’elle s’endort brusquement, elle rêve sans passer par les phases normales du sommeil. Et lorsqu’elle se réveille, elle ne sait plus si elle a rêvé ou vécu les situations. Sur le modèle de Memento (le film de Christopher Nolan), Abigaël imprime sur son corps des bouts de réalité. Ajoutons à cela qu’au moment où débute plus ou moins le roman, elle vient de perdre sa fille et son père dans un accident de voiture, dont elle est sortie à peu près indemne. Abigaël travaille, avec la gendarmerie de Villeneuve d’Ascq, sur une enquête délicate : quatre enfants ont été enlevés. Le kidnappeur a été surnommé Freddy par les enquêteurs.

Passons sur les détails et bifurcations de l’enquête, et sur les détails et bifurcations de la résolution, passablement alambiqués. Revenons au titre, qui est une belle trouvaille, peut-être la seule du roman : le titre du roman, tel qu’apparaissant sur la couverture, met en évidence que ce verbe, rêver, est un palindrome. Et place, symboliquement, l’héroïne au centre du verbe qui lui pourrit la vie, puisqu’elle ne sait distinguer la réalité du rêve. Pour le reste… REVƎЯ est sans doute un bon thriller, pour les amateurs du genre, dont je ne suis pas. Je n’ai jamais réussi à terminer un roman de Maxime Chattam. J’ai lu, à leurs sorties, deux bouquins de Jean-Christophe Grangé (Le Vol des cigognes et Les Rivières pourpres) et ils m’ont paru bien supérieurs à REVƎЯ, mais je suis très mauvais juge en la matière, sans doute.

Je continue à m’interroger sur cette fascination qu’exerce sur beaucoup de lecteurs, et donc d’auteurs, la douleur que l’on inflige aux enfants. Oh, bien sûr, la littérature explore le mal. La littérature du « bien » n’est pas folichonne, et souvent gnangnan. Mais je ne suis pas sûre que le terme de « littérature » soit ici approprié. Ces livres n’explorent pas le mal, tout au moins celui-ci. REVƎЯ met en scène des criminels dégueulasses et dérangés dans des décors adaptés (la morgue est un des endroits-clés de l’intrigue), et des enquêteurs zinzins aux prises avec des secrets de famille. Aucun enseignement à tirer la dernière page tournée, aucune ouverture un tant soit peu philosophique, ou sociale. Même pas un beau portrait de femme-à-la-pathologie-pas-courante, manipulée par son père et son amant. Rien. De ce roman sur des gamins kidnappés et torturés, sur la narcolepsie et le doute entre rêve et réalité, il ne ressort que du vide.