Franck Thilliez, REVƎЯ, éd. Fleuve noir, 26 mai 2016, 600 pages.
Le personnage principal
s’appelle Abigaël, elle est psychologue et criminologue. Sa faille : elle
est atteinte de narcolepsie, et s’endort tout d’un coup, au beau milieu d’une
conversation ou au volant de sa voiture. Elle est soignée avec du Propydol, qui
n’est rien d’autre que le GHB, la drogue des violeurs. Certes, les crises
s’espacent grâce au traitement mais en contrepartie, Abigaël perd la mémoire.
Des pans entiers de ses souvenirs d’enfance ont disparu, et il lui arrive de ne
plus savoir ce qu’elle a fait la veille. Lorsqu’elle s’endort brusquement, elle
rêve sans passer par les phases normales du sommeil. Et lorsqu’elle se
réveille, elle ne sait plus si elle a rêvé ou vécu les situations. Sur le
modèle de Memento (le film de
Christopher Nolan), Abigaël imprime sur son corps des bouts de réalité. Ajoutons
à cela qu’au moment où débute plus ou moins le roman, elle vient de perdre sa
fille et son père dans un accident de voiture, dont elle est sortie à peu près
indemne. Abigaël travaille, avec la gendarmerie de Villeneuve d’Ascq, sur une
enquête délicate : quatre enfants ont été enlevés. Le kidnappeur a été
surnommé Freddy par les enquêteurs.
Passons sur les détails et
bifurcations de l’enquête, et sur les détails et bifurcations de la résolution, passablement
alambiqués. Revenons au titre, qui est une belle trouvaille, peut-être la seule
du roman : le titre du roman, tel qu’apparaissant sur la couverture, met
en évidence que ce verbe, rêver, est un palindrome. Et place, symboliquement,
l’héroïne au centre du verbe qui lui pourrit la vie, puisqu’elle ne sait
distinguer la réalité du rêve. Pour le reste… REVƎЯ est sans doute un bon thriller, pour les amateurs du genre, dont je
ne suis pas. Je n’ai jamais réussi à terminer un roman de Maxime Chattam. J’ai
lu, à leurs sorties, deux bouquins de Jean-Christophe Grangé (Le Vol des cigognes et Les Rivières pourpres) et ils m’ont paru
bien supérieurs à REVƎЯ, mais je suis très mauvais juge en la matière,
sans doute.
Je continue à m’interroger
sur cette fascination qu’exerce sur beaucoup de lecteurs, et donc d’auteurs, la
douleur que l’on inflige aux enfants. Oh, bien sûr, la littérature explore le
mal. La littérature du « bien » n’est pas folichonne, et souvent
gnangnan. Mais je ne suis pas sûre que le terme de « littérature »
soit ici approprié. Ces livres n’explorent pas le mal, tout au moins celui-ci. REVƎЯ met en scène des criminels dégueulasses et
dérangés dans des décors adaptés (la morgue est un des endroits-clés de
l’intrigue), et des enquêteurs zinzins aux prises avec des secrets de famille. Aucun
enseignement à tirer la dernière page tournée, aucune ouverture un tant soit
peu philosophique, ou sociale. Même pas un beau portrait de
femme-à-la-pathologie-pas-courante, manipulée par son père et son amant. Rien. De
ce roman sur des gamins kidnappés et torturés, sur la narcolepsie et le doute
entre rêve et réalité, il ne ressort que
du vide.