samedi 20 septembre 2014

Surprise 8 - La Nuit, in extremis d’Odile Bouhier



Odile Bouhier, La Nuit, in extremis, Presses de la Cité, 2013 et 10/18, collection « Grands détectives », 4 septembre 2014.

Lyon, 1921. Les traumatismes de la guerre de 14 sont encore bien présents, dans les esprits et dans les corps. Le commissaire Kolvair a laissé une jambe dans les tranchées. Lorsqu’il apprend que l’ancien poilu Anthelme, qu’il a côtoyé dans les « creutes », est libéré de sa condamnation pour mutinerie, il le suit, s’installe dans la même pension que lui, persuadé que l’ancien bleuet est un dangereux psychopathe.

Voilà le fil conducteur de ce roman policier, qui lorgne vers le roman noir. La ville de Lyon, les bords de Saône, Oullins, y sont évoqués sous l’angle historique, mais aussi politique. On s’y souvient de l’assassinat de Sadi-Carnot, on y croise Édouard Herriot, on y voit manifester les anarchistes, héritiers du conflit des Canuts. Après la guerre de 14, on bascule vraiment dans le XXème siècle. La police judiciaire est celle des Brigades du Tigre, et entre Rhône et Saône les méthodes d’investigation sont modernes : préservation des scènes de crime, analyses des traces papillaires, recours à la graphologie, importance des médecins légistes. Les Experts de l’époque (on notera au passage que l’INPS – Institut National de la Police Scientifique –, de nos jours, est centralisé à Écully, dans la périphérie lyonnaise). Dans le roman, l’hôpital psychiatrique du Vinatier, à Bron, est dirigé par une femme, Bianca Serraggio. Elle aussi adopte les méthodes modernes, dans son domaine – on découvre dans La Nuit, in extremis, la première édition des tests de Rorschach.

L’enquête du commissaire Kolvair est mise en parallèle avec la vie familiale de son collègue Hugo Salacan. Lui, le médecin, est confronté à la maladie de son fils. Les traitements sur le diabète en sont à leurs balbutiements, on vient tout juste de découvrir ce que l’on a nommé « insuline ». Apparaît aussi dans le roman un enquêteur américain, qui permet de faire référence aux lois de prohibition, et de faire allusion au beaujolais…

La Nuit, in extremis est le troisième volet des enquêtes lyonnaises de Kolvair et Salacan, après Le Sang des bistanclaques et De mal à personne. Odile Bouhier parvient à donner vie à de vrais personnages, bien campés, ancrés dans une réalité topographique et en légère avance sur leur temps scientifique. Du bon polar historique, assurément.