Odile Bouhier, La
Nuit, in extremis, Presses de
la Cité, 2013 et 10/18, collection « Grands détectives », 4 septembre
2014.
Lyon, 1921. Les
traumatismes de la guerre de 14 sont encore bien présents, dans les esprits et
dans les corps. Le commissaire Kolvair a laissé une jambe dans les tranchées.
Lorsqu’il apprend que l’ancien poilu Anthelme, qu’il a côtoyé dans les
« creutes », est libéré de sa condamnation pour mutinerie, il le
suit, s’installe dans la même pension que lui, persuadé que l’ancien bleuet est
un dangereux psychopathe.
Voilà le fil conducteur de
ce roman policier, qui lorgne vers le roman noir. La ville de Lyon, les bords
de Saône, Oullins, y sont évoqués sous l’angle historique, mais aussi
politique. On s’y souvient de l’assassinat de Sadi-Carnot, on y croise Édouard
Herriot, on y voit manifester les anarchistes, héritiers du conflit des Canuts.
Après la guerre de 14, on bascule vraiment dans le XXème siècle. La police
judiciaire est celle des Brigades du Tigre, et entre Rhône et Saône les
méthodes d’investigation sont modernes : préservation des scènes de crime,
analyses des traces papillaires, recours à la graphologie, importance des
médecins légistes. Les Experts de l’époque (on notera au passage que l’INPS –
Institut National de la Police Scientifique –, de nos jours, est centralisé à
Écully, dans la périphérie lyonnaise). Dans le roman, l’hôpital psychiatrique
du Vinatier, à Bron, est dirigé par une femme, Bianca Serraggio. Elle aussi
adopte les méthodes modernes, dans son domaine – on découvre dans La Nuit, in extremis, la première
édition des tests de Rorschach.
L’enquête du commissaire
Kolvair est mise en parallèle avec la vie familiale de son collègue Hugo
Salacan. Lui, le médecin, est confronté à la maladie de son fils. Les
traitements sur le diabète en sont à leurs balbutiements, on vient tout juste
de découvrir ce que l’on a nommé « insuline ». Apparaît aussi dans le
roman un enquêteur américain, qui permet de faire référence aux lois de
prohibition, et de faire allusion au beaujolais…
La Nuit, in extremis est
le troisième volet des enquêtes lyonnaises de Kolvair et Salacan, après Le Sang des bistanclaques et De mal à personne. Odile Bouhier
parvient à donner vie à de vrais personnages, bien campés, ancrés dans une
réalité topographique et en légère avance sur leur temps scientifique. Du bon
polar historique, assurément.