Tonino Benacquista, Tiré de faits irréels, éd. Gallimard, mars 2025, 192 p.
Tonino Benacquista, Tiré de faits irréels, éd. Gallimard, mars 2025, 192 p.
Samir Machado de Machado, Le Crime du bon nazi, traduit du portugais (Brésil) par Hélène Melo et Clara Domingues, éd. Denoël, avril 2025, 144 p.
On se souvient, bien sûr, du Crime de l’Orient-express. Un crime est commis dans un train bloqué par la neige. Enquête en huis-clos. Le Brésilien Samir Machado de Machado utilise le même dispositif - un meurtre en huis-clos dans un moyen de transport - en déplaçant la ligne : nous voilà dans les airs, dans un Zeppelin, avant le début de la deuxième guerre mondiale. Les nazis sont bien installés au pouvoir, et parmi les voyageurs on trouve un enquêteur de la police criminelle allemande, une aristocrate convaincue par le nouveau pouvoir, un médecin nazi, un jeune Britannique au regard cynique, un commerçant mal à l’aise…
Personne n’est ce qu’il prétend, et lorsque le crime est commis, l’enquêteur de la police criminelle prend les choses en main, sur la demande du commandant du Zeppelin.
Ce roman policier qui débute et se poursuit comme un produit plus ou moins calibré, offre une surprise de taille dans sa résolution. Mais ce n’est pas seulement le déroulement de l’intrigue qui surprend. Le thème même du meurtre, sa cause et son origine, permet de focaliser le roman sur un thème rarement traité en littérature, et singulièrement en littérature policière : celui des persécutions nazies envers les homosexuels, les lesbiennes et les travestis, toute cette humanité qui se ne définissait pas encore comme LGBTQIA+.
Machado de Machado nous fait découvrir à la fois les coulisses d’un Zeppelin et la terreur instaurée par le régime nazi envers les homosexuels, mais aussi les Juifs. Le renversement des propositions - faire de la victime une victime alors que l’épilogue, surprenant et épatant, nous démontre autre chose - est plus qu’ingénieux : signifiant.
Une manière de revenir sur un épisode terrible des persécutions du Troisième Reich, de mettre le doigt sur les ambiguïtés des SA et de l’oligarchie allemande. Le membre de la police criminelle allemande et le jeune Britannique incarnent une résistance existentielle, et la première résolution qui s’appuie sur l’assentiment des sympathisants nazis - passagers concernés, membres du personnel du Zeppelin - est un pied de nez salutaire à une situation désespérée.
On ne peut rien dire de plus ici sans dévoiler le ressort principal de l’intrigue. L’épilogue, renversant, est une victoire, sous le soleil brésilien.
Le graphisme de la couverture du roman, impressionnant, souligne le paradoxe du titre : qu’est-ce qu’un bon nazi ? La dernière phrase du livre donne une solution : « la seule manière concevable d’être un bon nazi est d’être un nazi mort. »