Freida McFadden, La Femme de ménage, éd. J’ai lu, 2023.
Pour voir, et la dernière page de l’épilogue tournée, on devine parfaitement les raisons de ce succès. Page turner. Intrigue qui bascule au premier tiers. Renversement total de situation. Changement de narratrice. Oui, parce que, quand même, il faut bien le dire, on vise un public féminin, à l’évidence. Heureusement que je me suis obstinée dans ma lecture, j’ai failli tout laisser tomber avant le basculement. La première partie est basée sur des clichés terribles, la petite bonne embauchée par le couple hyper-riche, le mari qui tombe amoureux de la petite bonne et qui, du jour au lendemain, fout sa femme à la porte…
Reprenons. Une jeune fille en conditionnelle – elle était en prison depuis l’âge de 17 ans, et nous n’apprendrons que très tard pourquoi elle a été incarcérée – est embauchée, donc, par une famille aisée en tant que femme de ménage. On lui octroie même une chambre dans la maison, un petit cagibi vaguement aménagé, mais enfin, c’est toujours mieux que de dormir dans sa voiture. Le couple est mal assorti : lui est splendide, gentil, prévenant ; elle se laisse aller, se néglige, a un comportement de folle furieuse. Lui est très amoureux de sa femme, ce qui semble incompréhensible à la femme de ménage. Le couple a une fille qui paraît tout droit sortie du Village des damnés, une petite blonde pâle aux yeux bleus presque translucides, vêtue de robes pastel aux cols de dentelle. Idylle entre la femme de ménage et l’homme de la maison, donc. Elle émerveillée qu’un type si beau et si riche s’intéresse à elle, lui transformé en amoureux transi, etc. C’est là que j’ai commencé à craquer et envisagé de laisser tomber ma lecture.
Et puis tout à coup, c’est l’épouse que l’on entend, à la première personne. Et là, paf !, tout bascule. Bon, je n’en dirai pas plus. De toute façon, il y a de fortes chances que vous ayez déjà lu le roman, puisque tout le monde ou presque l’a lu. Il paraît qu’il va être adapté en série.
Bonne idée, la série. On pourrait presque penser qu’il a été rédigé pour cela, d’ailleurs, ce bouquin. Je dis rédigé et pas « écrit », parce que franchement, ce n’est pas écrit, ou alors à la truelle. N’allez pas chercher du style, des métaphores, des effets discrets. L’ « écriture », ici, c’est du lourd, du brutal. Adaptation en série, donc. Je me répète, c’est fait pour ça. L’intrigue lorgne vers un des aspects de Big Little Lies, la construction rappelle, entre autres, celle du film Gone Girl. On imagine aisément ce que pourrait donner à l’écran la belle maison américaine, le beau jardinier italien, l’épouse négligée qui se métamorphose lorsque son calvaire est achevé, le regard glacial de l’époux aux deux visages, etc. On imagine aisément parce que, justement, on a déjà les images en tête, vues dans nombre de séries. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : Big Little Lies est une très bonne série – peut-être en partie parce que les cinq actrices principales sont vraiment très bien, et très bien dirigées – et Gone Girl un film génial.
Le thème ? Allez, je peux au moins l’effleurer : l’époux est un monstre pervers, un tortionnaire dégueulasse. Image fabriquée, sans beaucoup de psychologie pour un thriller psychologique. Je ne sais même pas s’il y a une morale dans l’histoire, un positionnement du genre : les hommes riches sont pervers, les filles qui sortent de prison vont sauver les pauvres épouses riches et maltraitées.
Bref, La Femme de ménage est un roman efficace, une sorte de produit rédactionnel – je n’ose écrire littéraire – qui gagnera à être adapté en série. D’autant plus que, si j’ai bien compris, trois tomes avec la même héroïne sont déjà parus, ce qui nous promet trois saisons à l’écran.