Eric Faye, Le Cinquième Diamant, mars 2025, éd. du Seuil, 352 p.
Nous sommes entre les deux mandats de Trump, sous la présidence d’un vieux président sage, qui n’est jamais nommé. Janet, l’astrobiologiste, manifeste devant la Maison Blanche car ses conclusions sur la possibilité d’une vie extraterrestre ne rencontrent aucun soutien, et elle trouve auprès du vieux président une oreille attentive. Lorsqu’elle parle de lui, elle parle de Lui avec une majuscule, Il parle et Il l’écoute. Il est fait plusieurs fois référence au conflit en Ukraine, et à l’assaut du Capitole. Les deux chercheurs sont victimes d’agression de la part de la frange la plus conspirationniste, la plus Qanon des USA. Les agresseurs agissent ainsi sous prétexte qu’il est impossible, impensable, que la vie existe ailleurs que sur Terre, car alors, qu’en est-il de Dieu, et des fondements de la religion ? Si la vie existe ailleurs dans l’univers, que deviennent Adam et Eve, qui sont à la base de l’humanité ? Et quid du péché originel ? La Bible ne dit rien des exoplanètes… Sans compter que Janet est noire, et son mari latino. Le roman est aussi politique dans le sens qu’il interroge la démocratie et les régimes totalitaires. La démocratie est transparente et le totalitarisme veut maintenir le peuple dans l’ignorance. Dans un ultime discours à la NASA, le vieux président ouvre les perspectives en promettant l’accès libre aux archives secrètes sur les manifestations extraterrestres, tout en doutant que l’administration suivante continuera dans ce sens. Au Kremlin, en revanche, on s’obstine à nier toute manifestation singulière d’extraterrestre, alors qu’il y en a eu, comme ailleurs dans le monde. Cette question est toujours classée secret-défense.
Le roman aborde également les rivalités dans le couple. Janet et Michael vivent une entente parfaite. Au fil du roman, lorsque Janet seule affronte les médias et mène le combat pour la reconnaissance de leurs découvertes, Michael prend conscience qu’il s’est toujours tenu dans l’ombre de son épouse. Il se souvient même que c’est lui qui a fait la découverte, et qu’il l’a offerte à sa femme, en cadeau. Il le regrette, se sent frustré, mais ce n’est qu’un malaise passager.
Eric Faye s’appuie sur une documentation solide et sur les toutes récentes découvertes. On pourrait penser que le roman est un peu frustrant, parce qu’on n’assiste à aucune rencontre du troisième type. Les recherches restent théoriques, et la vie lointaine, si elle existe, très lointaine. Mais c’est justement ce bouillonnement contradictoire de la politique d’ici bas et de la recherche scientifique la plus pointue qui donne une partie de son sel à ce roman virtuose. Le mélange des genres donne un ensemble d’une belle cohérence, et le lecteur est happé par un roman très singulier, très contemporain dans son sujet, et ouvrant sur des interrogations et des espoirs.