Hervé Le Tellier, L’Herbier des villes, éd. Textuel, 29 septembre 2021, 96 p.
Hervé Le Tellier est président de l’Oulipo depuis 2019. Le succès rencontré tant auprès des critiques que des lecteurs par son roman L’Anomalie a sans doute éclipsé son titre d’Oulipien en chef. Les éditions Textuel publient en cette fin septembre une mise à jour de son Herbier des villes, mise à jour incluant un détritus majeur de nos trottoirs pandémiques : un masque FFP2.
Qu’est-ce que L’Herbier des villes ? Une collection particulière d’objets ramassés sur les trottoirs parisiens du XVIIIe arrondissement, classés et nomenclaturés comme dans un véritable herbier, celui de Lamarck par exemple : pour chaque détritus, une étiquette érudite et fantaisiste à la fois, alliant le latin et le contemporain dans une confrontation stupéfiante. L’étiquette a son importance, mais aussi le texte qui accompagne la photographie de l’objet ramassé dans le caniveau. Il s’agit, chaque fois, d’un haïku, cette forme particulière de poésie japonaise.
Que trouve-t-on, dans cet « urbier » ? Des morceaux de laine de tresses africaines, des jeux à gratter non gagnants, des emballages de barres chocolatées… tout un fond de poubelle représentatif de la vie urbaine. La cueillette est de hasard, mais l’étiquette d’érudition et le poème japonisant modifient le regard du spectateur sur le déchet ou l’objet perdu.
Cet exercice oulipien, auquel le lecteur est d’ailleurs incité en toute fin d’ouvrage, est, comme presque tous les oulipismes, déclinable et adaptable. Il se trouve que j’ai la charge des cours de Cultures de la Communication et d’infographie dans un cursus de BTS. Cet exercice de l’urbier, je l’ai proposé à mes étudiants, en décalant légèrement l’idée première : non pas ramasser au hasard un détritus ou un objet perdu, mais imaginer que l’on trouve à l’arrêt du tram un objet inattendu. La consigne était ensuite de traiter l’objet insolite selon le modèle des planches d’herbier de Le Tellier. Je publie ci-dessous deux travaux issus de ce TP ludique, poétique et culturel :
L’Oulipo, comme la première partie de l’acronyme l’indique, est un ouvroir, un endroit où l’on œuvre en souriant et en rêvant, comme rêvaient les brodeuses et les couturières, en « monjas gitanas ». La contrainte – ici la trouvaille sur le trottoir, l’étiquette érudite et le haïku – produit « quelque chose » d’inattendu et de merveilleux, tout en rendant compte d’une réalité. Le Tellier n’oublie pas de saluer Georges Perec dans son avant-propos , Perec qui avait lui aussi pensé à un herbier des villes, plus végétal : « l’axiome “Georges y avait pensé” se vérifiait une fois de plus. »
L’Herbier des villes est un petit livre formidable, à découvrir ou à redécouvrir
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Merci à Chloé Canelas et Léa Fernandes pour m'avoir autorisée à publier leurs travaux.